Voici le 4e article de la série rédigée par le Dr Mathieu Millette, consultez les trois premiers articles : Ma mère et le SARS-COV-2, Un excellent virus et L’Empire contre attaque.

 

Martin Luther King a prononcé son fameux discours le 28 août 1963 devant le Lincoln Memorial à Washington. Vous savez, le grand bâtiment rectangulaire de marbre blanc entouré de hautes colonnes, devant le Memorial Reflecting pool qui se termine sur l’obélisque? À cette époque, Pasteur King rêvait d’une Amérique égalitaire. Une Amérique dans laquelle les Noirs ne seraient plus discriminés et seraient reconnus comme des êtres humains avec les mêmes droits et les mêmes chances de gagner leur vie.

Loin de me prendre pour Martin Luther King, dans la nuit d’hier, j’ai fait un rêve. Je vivais un de mes plus grands rêves. Sur les arêtes escarpées à la cime de montagnes qui n’en finissent plus, sous un soleil de plomb baigné par un ciel azuré, je jogge tel un lièvre sur la Grande Muraille de Chine! Aucun effort n’est nécessaire, aucune sueur, pas de souffle court. Je cours! Je cours! Léger comme une gazelle. L’air embaume le jasmin, le bois de pin et les effluves des herbes ancestrales qui poussent au pied de cette structure géante (qu’on ne voit pas de la Station Spatiale Internationale soit dit en passant).

Pouf! Je me réveille. Courbaturé du cours d’éducation physique que j’ai préparé (et fait) avec les jeunes la veille. On est quel jour? Empâté, perdu quelque part dans l’espace-temps, je tente de me remémorer mon rêve. Muraille? Forêt? Tout se confond. Bah! De toute façon, en ce matin gris et pluvieux, je rêve que les scientifiques trouvent enfin un traitement à la COVID-19 pour qu’on puisse retourner jouer au fútbol (ou soccer comme on l’appelle par ici).

Il y a deux types de médicaments, remèdes, potions qu’on peut utiliser pour combattre le SARS-CoV-2 : les antiviraux ou les vaccins. Les antiviraux sont des médicaments capables soit d’inactiver directement le virus dans le corps humain soit de monter une réponse de notre système immunitaire suffisamment forte pour botter les fesses du virus. Un mélange des deux est encore plus efficace. De nombreux antiviraux sont en développement au moment où j’écris ces lignes. Je vous parlerai des vaccins en développement dans une prochaine chronique.

 Chloroquine

La fameuse chloroquine, tant encensée par le président de nos voisins du Sud, est une molécule utilisée couramment pour le traitement du paludisme et de certaines maladies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde et le lupus. La chloroquine est dérivée d’un arbre nommé Cinchona officinalis (ou quinquina gris) qu’on retrouve naturellement dans les montagnes d’Amérique centrale. Le médicament qui est produit, lorsqu’administré au bon dosage, ne présente pas beaucoup d’effets secondaires. Cependant, il peut être facile et surtout dangereux de le surdoser (prendre une dose trop forte du médicament), ce qui peut entrainer des problèmes cardiaques et même la mort. La chloroquine a montré des effets antiviraux très intéressants dans les plats de Pétri des chercheurs (on dit in vitro), mais ça n’était pas aussi fructueux lors d’essais sur les animaux (in vivo). Même si ce médicament n’est pas encore approuvé par les organismes réglementaires des divers pays dans le traitement de la COVID-19, sachez qu’il est actuellement évalué dans plus de 20 études cliniques internationales, c’est-à-dire sur des humains qui ont développé la maladie.

Oui, les humains servent de cobayes et oui, la chloroquine est en ce moment donnée à des humains hospitalisés dans le but de traiter la maladie à coronavirus (contrairement aux rumeurs qui circulent sur le web).

L’équipe de scientifiques et de médecins dirigée par le professeur Didier Raoult à Marseille (spécialiste des maladies infectieuses de renommée mondiale) associe la chloroquine à un antibiotique, l’azithromycine, qui a lui aussi montré des effets antiviraux in vitro. Les premières études réalisées sur les humains suggèrent des résultats prometteurs. Parce qu’il n’y avait pas de groupes témoins dans ces études, il faudra attendre la confirmation des autres études internationales avant de statuer sur l’efficacité de ce traitement. Une ombre au tableau : les problèmes de toxicité évoqués plus haut semblent survenir chez plusieurs patients ayant reçu la forte dose de ce traitement dans une étude clinique réalisée au Brésil. Donc, il faudra attendre les résultats des autres études cliniques en cours afin d’être fixé définitivement sur l’efficacité et la sécurité de ce traitement.

 Remdésivir

Les communautés scientifiques et médicales fondent beaucoup d’espoir sur une autre molécule, la remdésivir. C’est un agent antiviral à large spectre, c’est-à-dire qu’il inactive dans des plats de Pétri plusieurs types de virus dont SARS-CoV-1 et SARS-CoV-2, MERS, Ebola, Marburg et de nombreux autres. Large spectre je vous dis. Cette molécule a été évaluée sur des Africains lors de la dernière grande épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, mais avec un succès mitigé. Il y a quelques jours, un premier résultat a été dévoilé prématurément par l’OMS avant d’être rapidement retiré prétextant que les auteurs de l’étude n’avaient pas donné le feu vert. Les résultats de cette étude semblaient négatifs. Cependant, il faudra attendre la validation par d’autres études, car l’échantillonnage était trop faible pour tirer des conclusions solides. Actuellement à l’essai dans plus de 15 études cliniques conduites partout dans le monde, nous saurons dans quelques semaines si ce médicament s’avère efficace et sécuritaire dans le traitement de la COVID-19.

 Ribavirine en combinaison avec de l’interféron

La ribavirine est une molécule découverte en 1972 approuvée pour le traitement des pneumonies virales chez des enfants en bas âge. C’est un agent antiviral à large spectre in vitro. La ribavirine est maintenant utilisée en combinaison avec de l’interféron (voir ma chronique « L’Empire contre-attaque » pour de plus amples informations sur l’interféron) dans le traitement de l’hépatite C. Ce médicament a été testé dans le traitement du SARS en 2003, mais avec peu d’efficacité et beaucoup d’effets secondaires. Il fait actuellement l’objet de plusieurs études cliniques principalement en Chine dans le traitement de la COVID-19. Résultats à venir dans les prochaines semaines.

 Colchicine

La colchicine est extraite de la colchique d’automne (Colchicum autumnale), une plante qui donne une fleur magnifique dont la couleur est semblable à celle du lilas. Mais attention, cette plante est très toxique. Une trop grande consommation par des animaux mène à leur mort, même chose pour les humains. On utilise ce médicament pour ses effets anti-inflammatoire et antidouleur dans le traitement de la goutte, mais aussi pour prévenir l’inflammation suite à des problèmes cardiovasculaires. Puisque l’infection à SARS-CoV-2 peut mener à des complications graves dues entre autres à une trop forte inflammation des poumons, les chercheurs de la prestigieuse Institut de Cardiologie de Montréal vont la tester sur 6 000 patients afin de réduire les complications liées à la COVID-19 et possiblement sauver de nombreuses vies humaines. L’étude est présentement en cours.

D’autres médicaments développés par la grande industrie pharmaceutique sont aussi à l’étude dans le traitement de la COVID-19 : Actemra, azvudine, Camostat, combinaison de ritonavir/lopinavir, enzymes de conversion de l’angiotensine 2 recombinantes, favipiravir, interférons, Jakavi, Lenzilumab, Olumiant, Prezcobix, Tradipitant, tofacitinib, tétrandine, umifénovir et plusieurs autres molécules anti-inflammatoires. Toutes ces molécules ont un solide argumentaire en leur faveur soit par une bonne efficacité antivirale in vitro ou in vivo soit parce qu’ils ont déjà démontré une utilité dans le traitement d’autres infections virales. Seule une démonstration dans le cadre d’études cliniques dont la méthodologie est scientifiquement rigoureuse permettra de déterminer leur efficacité.

 Traitements avec des produits naturels

En fouillant la littérature scientifique, j’ai aussi trouvé que plusieurs produits naturels sont présentement à l’étude pour traiter la COVID-19. Ces produits naturels incluent des combinaisons d’herbes issues de la médecine traditionnelle chinoise (granule Huaier, décoction ou granules Yinhu Qingwen, comprimés Fuzheng-Huayu, injection de Xiyanping), de fortes doses de vitamine C, du miel naturel (dosage de 1 gramme par kilo par jour), un mélange d’oméga-3 et d’antioxydants ou l’inhalation de monoxyde d’azote. Il y a aussi la quercétine, une molécule de la famille des flavonoïdes (des pigments colorés) qu’on retrouve dans de nombreux fruits et légumes reconnue pour ses propriétés antioxydantes et antivirales, qui fait l’objet d’études cliniques. Le Dr Michel Chrétien, médecin et chercheur de l’Institut de Recherche Clinique de Montréal, a même fait la manchette en annonçant le début de son étude pour évaluer l’efficacité de cette molécule à traiter la COVID-19. Encore une fois, même pour des composés dits naturels, seule une démonstration dans le cadre d’études cliniques dont la méthodologie est scientifiquement rigoureuse permettra de déterminer leur efficacité. Ce n’est pas parce qu’un produit, un extrait, une décoction ou une potion ont des effets sur des cellules, des virus ou des bactéries qu’automatiquement cet effet sera reproduit chez l’humain. Il faut le démontrer avec méthode et rigueur.

Martin Luther King serait fier des progrès réalisés en matière d’égalité des droits de l’Homme. Bien sûr, rien n’est parfait. Il y a encore beaucoup à faire dans plusieurs coins du globe. Le SARS-CoV-2, lui, a compris. Il n’a pas de frontière, ne fait pas de discrimination basée sur la couleur de la peau, le statut social ou la religion. Il s’attaque aux humains, à nous tous qui appartenons à l’espèce Homo sapiens sapiens. Au cours des dernières années, mais surtout des dernières semaines, je vois énormément de collaborations entre des chercheurs nord-américains, africains, sud-américains, asiatiques et européens. Les scientifiques du monde entier se sont enfin regroupés pour faire front commun dans une cause : il y a plus de 1000 études cliniques en cours à travers le globe pour trouver un traitement qui stoppera la pandémie de COVID-19 ou essayer de comprendre le fonctionnement de ce nouveau virus.

Ce n’est pas un rêve, c’est la réalité.

C’est beau.

C’est inspirant.

Il y a de l’espoir.

 

Ne manquez pas les prochains articles de cette série qui seront mis en ligne au cours des prochaines semaines!
Mathieu Millette, Ph. D. Mcb.A. Docteur en microbiologie et membre de l’Association des Microbiologistes du Québec