L’alimentation est toujours un sujet de choix pour nos livres au Québec et pour notre santé. Elle est une source de réconfort, de plaisir et de nutrition (ou pas). Mais que dire du sujet du jeûne ? Le plaisir de ne pas manger? Les bénéfices de n’avoir aucun apport nutritionnel? Il n’apporte pas de réconfort, il augmenterait même le stress et l’anxiété (et c’est très logique, j’y reviendrai).

J’en parlerai dans une série d’articles qui ont pour objectif de démystifier ce qu’est le jeûne, les raisons de le considérer et surtout les bénéfices et les risques de cette approche pour la santé. Comme à l’habitude, j’en profiterai pour établir les bases de la biologie reliées à ce sujet afin de bien comprendre les enjeux et les impacts d’un point de vue physiologique.

Premièrement, un mot sur l’apport calorique. Durant l’évolution, il est évident que l’être humain ne mangeait pas trois repas par jour en plus de deux collations. Nous avons évolué pendant des milliers d’années avec l’objectif journalier de trouver de la nourriture pour réussir à survivre. Nous avons simplement à penser aux émissions de télévision qui mettent dans la nature des spécialistes de la survie en forêt, durant 3 semaines, avec seulement un couteau et un récipient pour la cuisson. Ils perdent entre 10 et 15 kilos habituellement parce qu’ils ne sont pas capables de manger suffisamment. Ainsi, l’être humain n’a surement pas évolué dans l’abondance. Attention, nous avions à cette époque primitive une espérance de vie de 25 à 35 ans. Donc, ça ne veut pas dire non plus que ce que l’on a été en mesure de faire était ce qu’il y a de mieux pour notre santé. Ce à quoi je veux en venir, c’est qu’il y a de nombreux bénéfices très bien documentés de la restriction calorique ou du jeûne et que chez l’humain, ces bénéfices seraient inductibles sur des périodes relativement courtes, possiblement dues à notre évolution. Ceci est un aspect très important pour bien comprendre les bénéfices du jeûne, nous y reviendrons.

Nous avons déjà publié un article qui expliquait ce qu’est la restriction calorique (Bien vieillir ( Article 2 ): la restriction calorique). Dans mon 4e livre, qui vient tout juste de paraître, rédigé avec la collaboration de 7 autres professionnels de la santé, je parle aussi du « Régime de longévité ». C’est le titre d’un livre écrit par un grand chercheur dans le domaine du vieillissement, directeur de deux centres de recherche de très hauts niveaux, Valter Longo. Il faut voir le jeûne comme un mode alimentaire qui fait partie des outils possibles de saine alimentation.

Deuxièmement, le jeûne prend tout son sens d’un point de vue biologique quand on prend connaissance des mécanismes inductibles et de leurs rôles métaboliques. Ici certains diront « oui, mais on nous dit qu’il faut manger trois repas par jour et des collations, on ne sait plus qui croire ». Effectivement, les recommandations alimentaires sont en train de changer et bien que l’on parle des bénéfices du jeûne depuis plus de 30 ans dans la littérature scientifique, ce qui m’a décidé à en parler est un article récent publié dans le « New England Journal of Medecin » (de Cabo et Mattson, 2019). Il s’agit d’une des revues scientifiques parmi les plus prestigieuses et une des plus respectées pour la qualité de ces publications. En résumé, l’article en question mentionne (ma traduction libre) :

« Les évidences s’accumulent que de manger sur une période de 6 heures et de jeûner pour 18 heures peut provoquer un changement métabolique pour passer de l’usage du glucose à l’usage des cétones comme source d’énergie, avec une amélioration des mécanismes de résistance, une meilleure longévité et une réduction de l’incidence des maladies incluant le cancer et l’obésité. » 

Les auteurs de cet article scientifique sont deux spécialistes de la question. Ils soulignent ici qu’il n’est pas nécessaire de jeûner durant 3 jours ou 3 semaines pour avoir les bénéfices. Tel que mentionné précédemment, les mécanismes responsables des bénéfices sont inductibles sur de courtes périodes. Cela veut dire que sur une période de 18 heures sans manger, le corps va déjà amorcer tout le processus de protection nécessaire pour passer au travers d’une période de jeûne. Ces mécanismes, très bénéfiques pour la santé, peuvent donc être induits, stimulés, selon la fréquence de notre alimentation.

Terminons en mentionnant que c’est tout à fait normal. Tel que mentionné, l’être humain n’a surement pas évolué en mangeant trois repas par jour et deux collations (ce qui est toutefois justifiable pour les enfants qui sont en croissance ou pour certaines personnes âgées à risque de dénutrition).

Pour nos ancêtres les hommes des cavernes, probablement que chaque journée s’amorçait par une nouvelle quête pour être en mesure de se nourrir et de nourrir les siens (comme dans les Croods (un dessin animé que j’adore)). Il est donc normal d’avoir des périodes sans manger et il serait très bénéfique pour la santé d’avoir faim et d’y résister.

Au cours des prochains articles je vous expliquerai pourquoi et surtout comment faire pour en bénéficier pleinement.

 

Références :

  • Longo et Mattson, 2015. Fasting: Molecular Mechanisms and Clinical Applications. Cell Metab. Author manuscript; available in PMC 2015 Feb 4. Cell Metab. 2014 Feb 4; 19(2): 181–192.
  • Mattson, Longo, et Michelle, 2017. Harvie Impact of Intermittent Fasting on Health and Disease Processes. Ageing Res Rev. 2017 October ; 39: 46–58.
  • de Cabo et Mattson, 2019. Effects of Intermittent Fasting on Health, Aging, and Disease. New England Journal of Medecin. 381 (26), 2541-2551. 2019 Dec 26.