La petite histoire de l’acupuncture
L’acupuncture, parcelle de médecine traditionnelle Chinoise ou Orientale, est réglementée au Québec depuis plus de 25 ans. Le Québec a été un pionnier en Amérique du Nord en modifiant la loi médicale en 1977[1] pour permettre à des non-médecins de pratiquer l’acupuncture. Il est à noter l’apport de personnages importants tel M. Oscar Wexu qui aurait été l’un des premiers à introduire l’acupuncture au Québec selon ses dires. C’est en 1986 que le Québec adopta le premier règlement sur l’acupuncture et détermina un programme du ministère de l’Éducation, qui a été octroyé et prodigué par le Collègue de Rosemont qui est, depuis ce temps, le seul organisme reconnu de l’enseignement de la formation initiale de l’acupuncture au Québec. Le Québec fut également la première juridiction en Amérique du Nord, voire en Occident, à accorder un ordre professionnel aux praticiens des méthodes traditionnelles chinoises et orientale (MTCO). Les acupuncteurs d’aujourd’hui peuvent jouir d’une reconnaissance pleine et entière grâce à aux pionniers de l’acupuncture au Québec, qui ont dû se battre contre vents et marées, à une époque où les poursuites pour pratique illégale de la médecine étaient coutumes. Il faut également reconnaître d’emblée l’apport du Dr. Augustin Roy, président du collège des médecins de 1974 à 1994, qui demanda au gouvernement de l’époque d’accepter le projet de loi sur l’acupuncture avant la fin juin de 1994[2][i].
Naturellement, même si l’histoire de l’acupuncture au Québec est très jeune, il en est tout autrement lorsque l’on s’intéresse à son origine. En fait, l’amalgame des écrits médicaux chinois[3], mieux connu sous le nom de « Classique Interne de l’empereur Jaune (Huang Di Nei Jing), a probablement été compilé dans les alentours de l’an 100-200 av. J.C. Il contient même des écrits datant d’avant cette époque. Il semblerait que cette période de compilation serait plus près des faits historiques réels que certaines dates antérieures avancées, qui appartiendraient plutôt à la légende. Quoiqu’il en soit, ces écrits seraient le résultat de processus continu de pensées critiques, d’expériences et d’essais cliniques formulés et reformulés par des cliniciens et de théoriciens respectés de l’époque.
Certains parlent d’un ouvrage qui fournit un modèle complexe et détaillé de l’univers, de la terre, de l’humain ainsi que des propositions scientifiques toujours observables de nos jours. Il définit les bases anatomiques et physiologiques de la MTC, ainsi qu’une explication souvent très imagée et remplie de sagesse, décrivant l’observation de l’interaction de l’humain avec son environnement. Cet ouvrage comprend deux portions soit le Su Wen (Questions simples) qui traite de concepts théoriques et de cosmologie médicale et le Ling Shu (l’Axe Spirituel) parle plutôt de l’aspect pratique, tel l’acupuncture et la moxibustion. Évidemment, il y a plusieurs versions de cet ouvrage dont l’une semble plus importante, soit celle de Wang Bing qui l’a publié en 24 rouleaux et 81 chapitres. Il y a bien d’autres écrits et de traités de médecine traditionnelle chinoise dont je vous fais grâce pour le moment. Il existe également plusieurs traductions de ces ouvrages, j’ai choisi de vous parler d’un petit extrait de la version du Dr. Albert Husson du Huang Di Nei Jing Su Wen, qui est présenté comme un entretien entre l’empereur Jaune (Huang Di) et Qi Bo, son ministre, qui auraient vécu durant le troisième millénaire avant notre ère. Ça va comme suit :
- Huang Di dit à Qi Bo : « …On m’a rapporté que dans la haute antiquité on vivait centenaire sans que l’activité faiblisse. Les gens d’à présent sont déjà affaiblis à 50 ans. Est-ce par suite d’un changement d’époque ou par la faute des hommes? »
- Et la réponse de Qi Bo : « Obéissant au Dao, les anciens se modelaient sur le yin-yang et se conformaient aux nombres. Ils étaient modérés dans leur alimentation et réglés dans leurs activités. Ils évitaient le surmenage, se gardaient de détériorer leur corps et leur esprit, se permettaient ainsi de vivre un siècle. Les gens d’à présent ne vivent plus de même, ils se gavent d’alcool, sont téméraires et luxurieux. Les passions épuisent leur essence et dilapident leur souffle naturel. Insatiables et inconsidérés, ils se livrent à leurs penchants, vont à l’encontre des vraies joies de la vie et s’agitent sans mesure et se fatiguent prématurément…[4]»
En résumé, le constat et que même à cette époque, on parle d’il y a environ 3000 ans, les mêmes défis se présentaient à l’humain en rapport avec les saines habitudes de vie.
La médecine traditionnel Chinoise était avant tout une médecine préventive, i.e. que les médecins Chinois étaient payés et pouvaient garder leur travail tant que l’empereur restait en santé. S’il y avait altération de la santé, ce qu’on pourrait appeler ici, la « maladie », leur emploi pouvait en dépendre ainsi que leurs vies également.
Il faut noter que les médecins chinois de l’époque, traitaient les patients avec les différentes thérapeutiques associées à la médecine chinoise, soit la pharmacopée, la diététique, le zeng-gu/ tuina, l’acupuncture ainsi que le Qi Gong Clinique (Medical Qi Gong). Ce qui incluaient des conseils sur le mode vie, l’alimentation et des exercices pour améliorer la santé
De la tradition à la science. Y a-t-il des données probantes?
Je me suis amusé à faire une recherche avec les mots « acupuncture » et « research » sur le site de www.sciencedirect.com. Le résultat est assez impressionnant, plus de 27 000 articles, documents, livres, méta-analyses (analyse de recherche sur des sujets en particulier regroupant plusieurs recherches), bref, il y a de quoi à se mettre sous la dent.
Bien sûr, que ces 27 000 titres ne sont probablement pas tous sérieux ou avec la rigueur scientifique dont on devrait s’attendre, mais ça donne quand même une idée de l’ampleur de l’intérêt sur le sujet.
Il est clair qu’il reste encore beaucoup de recherche à faire quant aux mécanismes de l’acupuncture sur les différents systèmes du corps humains ou être vivant, mais que de dire qu’il n’y a pas de preuve scientifique sur le sujet, cette affirmation pouvait paraître sérieuse dans les années 70-80 et même 90, mais il y a des études récentes sur l’acupuncture avec des niveaux d’évidences élevés qui prouvent le contraire.
Considérant que l’acupuncture est une médecine dite empirique (dont la pratique est basée sur l’observation et l’expérience), le champ d’application est vaste. Voilà un aperçu, qui n’est pas exhaustif bien sûr, de ce qui peut être traité en fonction des données probantes actuelles sur l’acupuncture :
Il y aurait pour le moment, selon les données probantes de niveau I avec un effet positif cohérent ainsi qu’un niveau d’évidence élevé, soit les 8 conditions suivantes [5]:
- Migraine en prévention
- Céphalée de tension
- Céphalées chroniques
- Douleur lombaire chronique
- Douleur postopératoire
- Nausées et vomissements avec suite de Chimiothérapie (avec antiémétiques) et Postopératoire
- Ostéo-arthrite du genou
- Rhinite allergique saisonnière et perannuelle.
Toujours selon les données probantes de niveau I avec un effet positif considérable ainsi qu’un niveau d’évidence de moyen à élevé, Il y aurait ainsi pour le moment, 38 conditions bénéficiant de l’acupuncture, dont en voici quelques-unes:
- Asthme chez l’adulte
- Constipation
- Bouffées de chaleur et insomnie de la ménopause
- douleurs cervicales
- lombalgies aiguës
- sciatalgie
- anxiété
- dépression (avec antidépresseur)
- fatigue
- douleur en oncologie
- trouble de stress post traumatique et bien d’autre…Comme vous pouvez constater, le fruit des recherches en acupuncture est plus que considérable, quoiqu’il y ait encore beaucoup de chemin à faire. L’acupuncture est une thérapeutique efficace et sécuritaire lorsque pratiquée par des professionnels compétents. L’ordre des acupuncteurs avait déposé un mémoire[6] à l’Assemblée nationale en 2016 (révisé en 2020) sur l’efficacité, l’aspect sécuritaire et même sur la notion de rentabilité dans l’optique d’intégration au système de santé.
En terminant, ce premier article d’une série, met la table et donne une idée, des différents aspects de la médecine traditionnelle chinoise qui pourraient être abordés. Que ce soit sur les notions de « Qi », les mécanismes reconnus de façon scientifique de l’effet de l’aiguille sur les fibroblastes et autres, la théorie des cinq éléments, le yin-yang, les recherches sur l’acupuncture en oncologie, bref, j’essaierai du mieux que je peux vous faire voyager entre les concepts théoriques ancestrales et l’explication et la compréhension aussi succincte qu’elle soit, de ce qui a été démontré à ce jour du point de vue scientifique.
Je vous laisse sur une petite note philosophique : « Ce n’est pas parce que ne l’on comprend pas comment quelque chose fonctionne, que ça n’existe pas. » Fudjaii
Sylvain Audet, Acupuncteur, propriétaire de la Clinique de santé intégrative de Drummondville (https://www.sante-integrative.ca/)
N.B : Assurez-vous de consulter un professionnel de la santé qualifié et au Québec, assurez-vous que votre acupuncteur(e) est membre en règle de l’Ordre des acupuncteurs du Québec.
Références :
1 Tiré du Rapport du président dans le rapport annuel 2011-2012 de l’Ordre des acupuncteurs du Québec (OAQ)
2 Le Devoir, 11 mai 1994, Cahier A4 – source Presse Canadienne
3 Inspiré du livre : Comprendre la médecine Chinoise – La toile sans tisserand
4 Extrait du Livre I, chapitre I p.71 du Huang Di Nei Jing SuWen, Dr. Albert Husson, Association Scientifique des Médecins acupuncteurs de France.
5 Tiré de « The acupuncture evidence project: A comparative literature review (revised edition). Brisbane: Australian Acupuncture and Chinese Medicine Association Ltd» , McDonald J, JanzS, 2017.
6 http://www.csbe.gouv.qc.ca/fileadmin/www/2016/PanierServices_Memoires_Recus/OAQ.pdf