Par Hélène Baribeau, Nutritionniste et Éric Simard, Ph. D., chercheur dans le domaine du vieillissement.

 

Connaissez-vous les symptômes qui caractérisent le syndrome de l’intestin irritable (SII) ? Des douleurs abdominales, ballonnements, gaz, alternances de selles molles et de diarrhées : ce sont là quelques-uns de ces symptômes. Ce syndrome diminue de beaucoup la qualité de vie. Il est la deuxième cause d’absentéisme au travail et à l’école. Sa prévalence en Europe et en Amérique du Nord est de l’ordre de 10 à 15% de la population…

La modification de l’apport en fibres dans la diète des gens atteints du syndrome de l’intestin irritable a été l’élément de base de la gestion de ce problème pendant plusieurs années. Toutefois, les résultats d’études concernant l’augmentation ou la diminution de la teneur en fibres sont contradictoires, car les évidences sont faibles concernant l’impact des fibres totales dans ce syndrome. D’autre part, il semble que les fibres solubles, comme celles qu’on trouve dans l’avoine, le psyllium, de même que dans plusieurs fruits et légumes, pourraient contribuer à une certaine diminution des symptômes.

Depuis quelques années, une autre approche semble plus efficace. C’est la diète FODMAP, développée par la nutritionniste australienne Sue Shepherd pour contrer le syndrome de l’intestin irritable. Cette diète fait de plus en plus parler d’elle grâce aux résultats positifs et significatifs obtenus dans des études d’intervention. Elle procurerait un soulagement du SII dans environ 75% des cas selon Sue Shepherd.

1- Que signifie l’acronyme FODMAP ?

F = Fermentescibles (rapidement fermentés par les bactéries du côlon)

O = Oligosaccharides (fructanes et Galacto-oligosaccharides ou GOS)

D = Disaccharides (lactose)

M = Monosaccharides (fructose en excès du glucose)

A = And (et)

P = Polyols (sorbitol, mannitol, xylitol et maltitol)

La diète FODMAP réduirait les symptômes en limitant les aliments contenant des glucides (= sucres) qui sont faiblement absorbés dans le petit intestin et versés en grande quantité dans le côlon. Une fois dans le gros intestin, ces sucres présents dans certains aliments sont fermentés par les bactéries, d’où les symptômes de ballonnement, de gaz et de douleurs abdominales. La diète FODMAP limite aussi l’absorption de molécules de glucides de petite taille à capacité osmotique qui augmentent la charge en eau dans le côlon, d’où les symptômes de selles molles et de diarrhées.

2- Quelles sont les sources les plus concentrées de FODMAP qui devraient être limitées* ?

  • Blé (raffiné ou entier), seigle, orge, oignon, ail, artichaut, noix de cajou, pistaches → présence de fructanes.
  • Légumineuses (lentilles, pois, haricots) → présence de GOS (galacto-oligo-saccharides).
  • Le lait et yogourt→ présence de lactose.
  • Pomme, poire, melon d’eau, mangue, miel, asperge → présence de fructose en excès du glucose.
  • Champignons, chou-fleur, mûres, menthes et gomme sans sucre → présence de polyols.

*Liste non exhaustive

3- Comment suivre la diète FODMAP ?

Il est essentiel d’obtenir une évaluation nutritionnelle et d’être suivi par une nutritionniste pour procéder à l’application de cette diète, car cette approche comporte beaucoup de restrictions et il faut savoir comment remplacer les aliments à limiter.

Par exemple :

  • Le blé peut être remplacé par l’avoine, le riz, le quinoa et le sarrasin et les produits sans gluten à base de riz, pomme de terre ou tapioca.
  • Le lait ordinaire peut l’être par du lait sans lactose ou des boissons végétales d’amandes, de riz et d’avoine.

Aussi, après un suivi de cette diète pendant 2 à 8 semaines, il est important d’effectuer des tests de tolérance alimentaire pour connaître quels sont les aliments qui causent le plus de problèmes, et ce, en vue d’obtenir un plan alimentaire adapté selon le niveau de tolérance individuelle.

4- Est-ce pour tout le monde ?

Même si la diminution des aliments sources de FODMAP peut améliorer l’état des personnes souffrant du SII, ça ne signifie pas que les FODMAP doivent être éliminés de l’alimentation des gens qui n’ont pas de troubles intestinaux. Les FODMAP, s’ils sont bien tolérés par l’organisme, devraient être encouragés, car ils sont importants pour la santé de la flore intestinale.

5- L’opinion du chercheur

Voici un sujet fascinant parce qu’il est très important pour beaucoup de gens et parce que la science évolue rapidement. J’en ai été témoin puisqu’une partie de mon doctorat était en santé digestive sur l’usage d’une nouvelle espèce de probiotique.  Revenons un peu en arrière pour bien situer la science d’aujourd’hui dans ce domaine.

Il y a une trentaine d’années, nous étions convaincus que les antibiotiques n’avaient pas d’impact sur le microbiote intestinal parce que les proportions des différentes bactéries revenaient à la normale avec l’arrêt des médicaments. C’est ce que l’on croyait. C’est ce qui était observé. La terre était plate.

Malheureusement, ce n’était pas la réalité. Cette observation provenait du fait que l’on était incapable de voir les modifications des proportions de la majorité des espèces présentes et l’on basait les observations sur la présence des grands groupes de bactéries et de levures. Il fut par la suite possible, il y a une dizaine d’années, d’observer que certaines espèces disparaissaient complètement après l’usage d’antibiotiques. Il fut même possible de faire un lien entre l’usage des antibiotiques chez les enfants et un risque accru de développer un syndrome de l’intestin irritable pour plusieurs années suivant le traitement. Les méthodes d’analyse permettent maintenant de suivre de près des variations infimes de composition du microbiote afin de mieux comprendre leurs implications en santé humaine.

L’équilibre est de mise

Nous savons maintenant que l’équilibre du microbiote intestinal est très important pour une multitude de problèmes de santé et surtout, les problèmes digestifs. Par exemple, il est démontré qu’une réduction des bactéries du groupe des bacteroidetes et des firmicutes contrairement à une augmentation des protéobactéries et les actinobactéries, est un facteur clé lié au développement des maladies inflammatoires de l’intestin (MII). Il s’agit de grands groupes de bactéries. L’analyse fine de composition est très complexe.

Cet équilibre influence et dépend de notre système immunitaire. Certaines personnes auront ainsi un système immunitaire déséquilibré parce que leur microbiote est déséquilibré, ou encore, un microbiote déséquilibré parce que leur système immunitaire est déséquilibré. Les deux sont possibles et cela dépend d’un grand nombre de facteurs dont la génétique et certaines causes externes comme le tabagisme, l’historique de prise d’antibiotiques et l’alimentation.

L’alimentation module la composition du microbiote sur une base journalière. Tout ce que l’on mange tous les jours crée des variations de composition entre les différentes espèces de bactéries qui composent notre microbiote intestinal. C’est pour cette raison que la diète FODMAP peut donner de bons résultats pour le SII, mais aussi pour l’intolérance au gluten ou la maladie céliaque. Toutefois, pour la majorité des gens, ces sucres fermentescibles sont des prébiotiques ; des aliments pour nos bonnes bactéries bénéfiques pour la santé.

Chaque personne est unique

Étant donné que cet équilibre entre les bonnes et les mauvaises bactéries dépend à la fois de notre génétique, de ce que nous mangeons et de nos habitudes de vie, chaque personne réagira différemment quant aux effets des aliments sur sa composition. Rappelons qu’il y a environ 100 000 000 000 000 de bactéries dans l’intestin et que cela correspond à environ 10 fois le nombre de cellules du corps humain et 150 fois le nombre de gènes contenu dans nos cellules. Une étude récente a même démontré qu’il y aurait près de 2000 espèces de nouvelles de bactéries dans notre microbiote. Jusqu’à tout récemment, nous considérions que le microbiote était composé de 400 à 500 espèces de bactéries.

Dans ce contexte de diversité, la diète FODMAP vise à restreindre l’ensemble des molécules qui peuvent être problématiques parce qu’elles pourraient favoriser la croissance de bactéries causant de l’inflammation. Ce n’est pas toutes les molécules et pas pour toutes les personnes, qui seront problématiques. Il est donc recommandé d’être accompagné par une nutritionniste et d’essayer de réintégrer graduellement les FODMAP afin de trouver ceux qui vous conviennent. Cela devrait être appliqué sur une longue période de temps afin de laisser se produire un nouvel équilibre au niveau du microbiote pour chacun des aliments considérés. C’est pour cette raison que des périodes de 2 à 8 semaines sont habituellement recommandées.

Certains autres aliments sont aussi à considérer comme la consommation de viande ou encore les additifs alimentaires. Particulièrement pour les agents de conservation; ce sont des molécules qui peuvent tuer certains groupes de bactéries de notre microbiote (bonnes et moins bonnes) et modifier nos équilibres. Il est donc préférable de les éviter le plus possible.

Et les suppléments ?

Outre les FODMAP, l’équilibre oméga-3/oméga-6 est aussi une facette de l’alimentation très importante. Les oméga-3 sont utilisés pour produire des molécules anti-inflammatoires et les oméga-6 sont utilisés pour produire des molécules pro-inflammatoires. Ainsi, lorsqu’une personne consomme trop d’oméga-6 (particulièrement les gras animaux et certaines huiles végétales) au détriment des oméga-3 (les poissons gras et certaines huiles végétales), elle aura une tendance à développer de l’inflammation plus facilement. Il est préférable de manger du poisson plus souvent, mais la prise d’un supplément d’oméga-3 peut-être une bonne façon de s’assurer d’en avoir suffisamment.

La prise de probiotiques peut certainement aider à rétablir certains équilibres. Il semble que certains produits seraient plus efficaces pour certaines personnes. Il peut donc être pertinent d’essayer différents produits pour trouver celui qui vous convient le mieux. La fréquence d’utilisation nécessaire dépendra aussi de la personne et de ses besoins.

Le prochain groupe de suppléments à considérer pour les problèmes d’inflammation intestinaux est le groupe des polyphénols. Attention ici, les polyphénols sont un groupe de plus de 10 000 molécules différentes, majoritairement d’origine végétale. Il s’agit donc d’un terme très générique. Assurez-vous avant tout de consommer suffisamment de fruits et légumes pour en avoir une bonne dose et une bonne variété. Nous consommons entre 900 mg et 1gr en moyenne de polyphénols végétaux par jour. Il semble que celui le plus étudié pour l’inflammation intestinale soit la quercétine. Plusieurs fruits et légumes en contiennent (et notez que plusieurs d’entre eux contiennent de grandes quantités de FODMAP).

Toutefois, les doses rapportées de ces polyphénols dans la littérature scientifique sont très élevées et difficilement atteignables même avec des suppléments. Les autres polyphénols pouvant être d’intérêt pour l’inflammation intestinale sont la curcumine et le resvératrol. Les doses utilisées dans les études publiées sont aussi des doses élevées et rappelez-vous que la qualité des produits sur le marché est très variable, surtout pour les extraits de plantes.

En espérant que ces informations vous seront utiles, il nous fera plaisir de répondre à vos questions.

 

 

Références :

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  • Caio G, Lungaro L, Segata N, et al. Effect of Gluten-Free Diet on Gut Microbiota Composition in Patients with Celiac Disease and Non-Celiac Gluten/Wheat Sensitivity. 2020;12(6):1832. Published 2020 Jun 19. doi:10.3390/nu12061832
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  • Mentella MC, Scaldaferri F, Pizzoferrato M, Gasbarrini A, Miggiano GAD. Nutrition, IBD and Gut Microbiota: A Review. Nutrients. 2020;12(4):944. Published 2020 Mar 29. doi:10.3390/nu12040944
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  • Varjú P, Farkas N, Hegyi P, Garami A, Szabó I, Illés A, Solymár M, Vincze Á, Balaskó M, Pár G, Bajor J, Szűcs Á, Huszár O, Pécsi D, Czimmer. Low fermentable oligosaccharides, disaccharides, monosaccharides and polyols (FODMAP) diet improves symptoms in adults suffering from irritable bowel syndrome (IBS) compared to standard IBS diet: A meta-analysis of clinical studies. PLoS One. 2017 Aug 14;12(8):e0182942.
  • Application à télécharger pour connaître les aliments à limiter: https://www.monashfodmap.com/ibs-central/i-have-ibs/get-the-app/