Dans le premier article (Le jeûne, article 1 : les bases biologiques de la réflexion) nous avons mentionné que « il est normal d’avoir des périodes sans manger et il serait très bénéfique pour la santé d’avoir faim et d’y résister ». Je vous expliquerai ici pourquoi. Rappelons aussi l’énoncé des bénéfices dans lequel j’ai souligné deux points importants :

« Les évidences s’accumulent que de manger sur une période de 6 heures et de jeûner pour 18 heures peut provoquer un changement métabolique pour passer de l’usage du glucose à l’usage des cétones comme source d’énergie, avec une amélioration des mécanismes de résistance, une meilleure longévité et une réduction de l’incidence des maladies incluant le cancer et l’obésité » (de Cabo et Mattson, 2019).

Pourquoi se priver d’aliment peut-il avoir des effets métaboliques bénéfiques ? Pourquoi cela pourrait-il augmenter notre longévité en santé et prévenir d’importantes maladies ?

Premièrement, commençons par quelques définitions. Le jeûne qui pourrait être compris comme de la restriction calorique ne l’est pas d’un point de vue scientifique. Nous définissons la restriction calorique comme une réduction de l’apport en calories, de 20 à 40% de l’apport normal, en conservant la fréquence de l’alimentation. Le jeûne est une absence d’alimentation, une réduction de la fréquence, mais pas nécessairement une réduction de l’apport calorique journalier. Donc manger 3 repas aux heures normales, mais des repas plus légers (-20 à 40 %) c’est de la restriction calorique. Manger normalement, mais sur une période très courte de la journée (ex. : sur une période de 6 heures, avec 18 heures sans manger), c’est du jeûne. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de réaliser des jeûnes très prolongés pour en tirer le plein bénéfice. Nous devrions considérer des périodes de 18 à 72 heures. Nous y reviendrons dans un prochain article.

Deuxièmement, nous différencierons le métabolisme du glucose du métabolisme des cétones mentionné dans l’énoncé tiré de Cabo et Mattson (2019). Le glucose est la source d’énergie la plus facile à utiliser pour nos cellules. Ainsi, notre corps a développé, durant l’évolution, un goût du sucre lui permettant d’identifier facilement les meilleures sources d’énergie. Le glucose est utilisé par les cellules suite à la production de l’insuline qui est le messager pour le laisser entrer. Le foie en transforme une partie en réserve de glycogène pour les besoins énergétiques à court terme. L’apport énergétique du corps dépend donc du glucose en circulation, des réserves de glycogène et des réserves de graisse (les réserves à long terme). Le corps n’utilise donc pas les réserves de graisse, à moins qu’il en soit obligé. Lors d’un jeûne, selon le niveau d’activité, après 12 à 24 heures, le glucose sanguin aura baissé de 20% ou plus, le glycogène du foie aura baissé aussi et les mécanismes de dégradation des graisses seront démarrés (la lipolyse). La dégradation des graisses (réserves d’énergie à long terme) produira ce que l’on appelle les corps cétoniques (les cétones) qui sont utilisés comme source d’énergie quand le glucose vient à manquer. Ainsi, le fait de manquer de glucose oblige le corps à utiliser la machinerie de dégradation des graisses.

Comparons nos cellules à des usines. Si les usines reçoivent toujours du glucose, elles ne seront pas équipées pour utiliser les graisses comme source d’énergie. Si les usines manquent fréquemment de glucose, elles conserveront à porter de la main tout l’équipement nécessaire pour utiliser les graisses comme source d’énergie. Les gens consommant moins de glucose ont donc moins tendance à emmagasiner les graisses, parce qu’ils ont plus de facilité à les utiliser comme source d’énergie. Il s’agit d’un facteur épigénétique. L’épigénétique est en quelque sorte la capacité d’utiliser facilement l’information inscrite dans nos gènes lorsque les cellules en ont besoin. Les gènes utilisés couramment par nos cellules sont plus facilement accessibles. Nous en avons parlé dans un article sur la génétique (Ne soyez pas l’esclave de votre génétique).

Troisièmement, il n’y a pas que le métabolisme énergétique qui change; il y a une amélioration des mécanismes de résistance. Ici, sans embarquer dans les détails, sachez que lorsque le corps détecte qu’il est entrain de manquer d’énergie, il stimule plusieurs mécanismes de maintenance et de réparation pour être en mesure de traverser une période difficile. Ces mécanismes, comme le recyclage cellulaire (l’autophagie), sont très bénéfiques pour la santé et ils sont reliés à la réduction des risques d’un grand nombre de maladies, dont le cancer.

En conclusion, les raisons pour lesquels le jeûne est bénéfique pour la santé sont le fait qu’il améliore le métabolisme énergétique, il favorise une moins grande adiposité (moins de gras corporel) et il stimule les mécanismes de maintenance et de réparation. La quantité de gras corporels (jusqu’à une certaine limite et selon l’âge) est directement corrélée avec l’augmentation des risques d’un grand nombre de maladies. Ainsi, le jeûne agit sur deux facettes complémentaires :

  • il réduit les risques de maladies en facilitant une meilleure composition corporelle et un meilleur métabolisme,
  • il stimule nos mécanismes de maintenance et de réparation naturels.

Il va de soi que tout ceci est vrai, en autant qu’en dehors des périodes de jeûne, vous ayez une saine alimentation équilibrée. Le jeûne ne peut pas servir à pallier une mauvaise alimentation (ex. : manger une fois par jour de la malbouffe). Le jeûne devrait aussi faciliter la réduction de l’apport calorique total journalier ce qui est important pour réduire la poussée de l’organisme à vieillir et améliorer plusieurs paramètres de santé. Le jeûne doit donc être considéré comme un mode alimentaire qui peut faire partie, selon une certaine fréquence, d’une saine alimentation.

Dans les prochains articles, nous aborderons les sujets de l’intensité recherchée et de la mise en application de façon structurée.

 

Références :

  • de Cabo et Mattson, 2019. Effects of Intermittent Fasting on Health, Aging, and Disease. New England Journal of Medecin. 381 (26), 2541-2551. 2019 Dec 26.
  • Longo et Mattson, 2015. Fasting: Molecular Mechanisms and Clinical Applications. Cell Metab. Author manuscript; available in PMC 2015 Feb 4. Cell Metab. 2014 Feb 4; 19(2): 181–192.
  • Longo VD, Panda S. Fasting, Circadian Rhythms, and Time-Restricted Feeding in Healthy Lifespan. Cell Metab. 2016;23(6):1048–1059.
  • Mattson, Longo, et Michelle, 2017. Harvie Impact of Intermittent Fasting on Health and Disease Processes. Ageing Res Rev. 2017 October ; 39: 46–58.