Un peu d’histoire sur l’utilisation de la glace
Cela fait très longtemps que la recommandation de mettre de la glace sur une blessure fait son chemin dans le traitement des atteintes aux tissus mous: ligaments, tendons, muscles, etc. L’exemple parfait pour vous mettre en contexte: la fameuse entorse à la cheville comme sur la présente photo. En fait, c’est surtout depuis environ 1978 lorsque Dr. Gabe Mirkin a introduit l’acronyme RICE, soit Rest (repos), Ice (glace), Compression (compression) et Elevation (élévation). La glace aurait comme effet de diminuer la douleur, l’inflammation, l’enflure et aussi d’aider la guérison. Est-ce que la glace permet réellement tous ces bénéfices? Continuons…
Si nous reculons encore un peu plus loin dans le temps, déjà dans les années 1940, le monde médical utilisait la glace pour diminuer l’infection, la douleur et les décès lors d’opérations chirurgicales majeures, comme les amputations (1). Avec le temps, la glace est devenue un outil pour la gestion de toutes sortes de blessures, à priori dans le domaine athlétique avec le RICE (2), mais par la suite par le monde médical comme traitement de base pour des blessures aigües.
Autre fait historique intéressant, et que peu de gens savent, c’est que Dr. Mirkin lui-même a affirmé plus tard que les études récentes semblaient démontrer, entre autres, que « son RICE », la glace en particulier, n’aurait pas autant d’effets qu’on lui attribuait et qu’elle pourrait même ralentir les processus normaux de guérison des tissus mous (3).
Que dit la science d’aujourd’hui
Effet favorable sur la douleur: Il semble y avoir un assez bon consensus scientifique et clinique que la glace permet en effet une réduction de la douleur, plus précisément une diminution de la perception de celle-ci (4). Cependant, ce n’est pas forcément un signe qu’il y aura une meilleure guérison de la blessure. Il faut néanmoins comprendre qu’une guérison n’est pas seulement biologique, mais c’est un processus biopsychosocial complexe et, donc, une bonne gestion de la douleur va forcément aider à traverser les étapes. C’est simplement que la glace n’est pas le meilleur moyen de diminuer la douleur, et ce, particulièrement si elle est trop utilisée.
Effet défavorable sur l’inflammation: L’inflammation fait partie du processus de guérison d’une blessure. C’est un mécanisme nécessaire qui permet au corps d’envoyer les médiateurs de guérison, par exemple les neutrophiles (globules blancs) pour éliminer les bactéries lors des plaies ouvertes ou les macrophages qui vont retirer les cellules endommagées par la blessure. Si vous ralentissez l’inflammation dès le départ, vous ralentissez l’arrivée de ces précieuses molécules, vous ralentissez également les autres étapes de la guérison et vous diminuez la qualité des étapes 2 et 3 de la guérison, soient celles de cicatrisation/fibroblastique et de remodelage. Une étude de 2011 a démontré plusieurs faits très intéressants qui appuient cela (5). Notamment, après 28 jours suivant la blessure, les participants qui n’avaient pas utilisé la glace avaient des tissus musculaires régénérés de l’ordre de 65% plus élevés. Le problème relié à la glace serait attribuable à son effet sur la constriction des vaisseaux diminuant ainsi l’apport en médiateurs de guérison vers le site de la blessure.
Effet défavorable sur la diminution de l’enflure: Il est bien démontré que l’enflure excessive va nuire à la guérison de la blessure, notamment parce qu’elle aura comme effet d’augmenter encore plus la douleur, de diminuer la capacité de mouvement et, donc, de ralentir la vitesse de guérison. Par contre, l’enflure est aussi un processus normal lors d’une blessure et elle est nécessaire à la guérison. En fait, l’enflure, c’est tout simplement l’accumulation de fluide rempli de cellules inflammatoires nécessaires et aussi d’autres cellules de tissus endommagés qui devront quitter éventuellement le site de la blessure via le système lymphatique. Ce dernier est passif, il est dépendant du mouvement pour fonctionner. La glace ne permet pas de facilité l’évacuation du fluide, le mouvement oui.
Le mouvement comme principal allié de la guérison
Finalement, les experts (6) qui ont étudié la question semblent s’entendre sur certains points qui seraient ceux-ci:
Il n’existe pas suffisamment de données pour établir de façon claire l’efficacité de la glace et du RICE dans les traitements de ce type de blessure, outre la diminution de la perception de la douleur.
Un plan de traitement devrait être individualisé et la réadaptation/réhabilitation par le mouvement devrait être visée le plus rapidement possible, car il est le meilleur outil vers la guérison optimale.
Références
(1) F.M. Massie, « Refrigeration anesthesia for amputation », Annals of Surgery 123, no. 5 (1946): 937-47.
(2) G. Mirkin and M. Hoffman, The Sport Medecine book (Boston: Little Brown & Co., 1978).
(3) G. Reinl, Iced! The Illusionnary Treatment Option, 2nd Edition (Henderson, NV: Gary Reinl, 2014).
(4) Bleakley C, McDonough S, MacAuley D. The use of ice in the treatment of acute soft-tissue injury: a systematic review of randomized controlled trials. Am J Sports Med. 2004 Jan-Feb;32(1):251-61. doi: 10.1177/0363546503260757. PMID: 14754753.
(5) Takagi R, Fujita N, Arakawa T, Kawada S, Ishii N, Miki A. Influence of icing on muscle regeneration after crush injury to skeletal muscles in rats. J Appl Physiol (1985). 2011 Feb;110(2):382-8. doi: 10.1152/japplphysiol.01187.2010. Epub 2010 Dec 16. PMID: 21164157.
(6) Kaminski TW, Hertel J, Amendola N, et al. National Athletic Trainer’s Association position statement: conservative management and preventing ankle sprains in athletes. J Athl Train. 2013;48:528-545
Collins NC. Is ice right? Does cryotherapy improve outcome for acute soft tissue injury? Emergency Medicine Journal 2008;25:65-68.
Van den Bekerom MP, Struijs PA, Blankevoort L, Welling L, van Dijk CN, Kerkhoffs GM. What is the evidence for rest, ice, compression, and elevation therapy in the treatment of ankle sprains in adults? J Athl Train. 2012 Jul-Aug;47(4):435-43. doi: 10.4085/1062-6050-47.4.14. PMID: 22889660; PMCID: PMC3396304.
Kaminski TW, Hertel J, Amendola N, et al. National Athletic Trainer’s Association position statement: conservative management and preventing ankle sprains in athletes. J Athl Train. 2013;48:528-545