Mon domaine d’expertise est la longévité en santé; comment garder les gens en santé, plus longtemps. Dans cet optique, les oméga-3 sont un incontournable. Ils sont importants autant pour le bon fonctionnement de nos cellules, que pour le bon fonctionnement du système immunitaire et toutes les implications de l’inflammation. Je parlerai donc du lien entre les oméga-3 et la longévité, en soulignant au passage quelques études cliniques et métanalyses récentes qui supportent un grand nombre de bénéfices. Parlons un peu de longévité avant d’aller plus loin et nous reviendrons à la définition des oméga-3, l’apport alimentaire et les dosages thérapeutiques.

Une première indication sur la longévité, nous vient des télomères; ces indicateurs très fiables de la durée de vie utile de nos cellules. Plus nous sommes en santé, plus nos télomères sont long. Une étude récente a démontré qu’une consommation de 3 à 6 mois d’oméga-3 réduit le raccourcissement naturel des télomères et nous indique ainsi que nos cellules sont plus en santé. Il s’agit d’une preuve indirecte de leurs effets sur la longévité. D’autres études vont dans la même direction. En Chine, une étude a permis de démontrer un lien entre la fréquence de la consommation de poisson et la longévité : 3 à 10 consommations par mois pour les gens vivants au bord de la mer vs 1 consommation ou moins pour les personnes éloignées. Cette consommation, responsable de la consommation d’oméga-3, aurait un effet significatif sur la longévité de la population à l’étude.

Si nous regardons maintenant les processus du vieillissement, mon domaine de recherche, une autre étude récente s’est attardée aux mécanismes d’action possible des oméga-3 sur leurs effets préventifs sur le vieillissement. La consommation d’oméga-3 réduirait certains impacts du vieillissement, mais aussi, certains processus même du vieillissement cellulaire par la modification de l’expression des gènes. La consommation d’oméga-3 influencerait positivement l’expression de notre génétique. Ces gènes reliés à la prise d’oméga-3 permettrait de ralentir les processus du vieillissement. La composition du microbiote influencerait cet effet bénéfique (ce qui souligne l’importance de toujours penser à la santé d’une façon globale même si la science tend à isoler les paramètres pour étudier leurs effets causaux).

Outre la longévité en général, les impacts des oméga-3 sur la dépression, l’hypertension ou l’inflammation sont aussi très bien documentés et nous y reviendrons. Parlons maintenant de ce que sont les oméga-3.

 

Quelques explications de chimie pour ces bons gras

Les oméga-3 font partie des acides gras poly-insaturés au même titre que les oméga-6. Il s’agit d’un gras, un lipide, avec une tête polaire (soluble dans l’eau) composée d’un groupement acide et une queue de molécules de carbone hydrophobe (insoluble dans l’eau). Cette polarité fait en sorte qu’ils composent la bicouche lipidique des membranes cellulaires avec la queue hydrophobe vers le centre de la membrane. La position de leur double lien, ce que l’on appelle l’insaturation, cause une courbure dans cette queue qui empêche les molécules de s’empiler facilement. Lorsque des gras s’empilent, cela provoque de la rigidité, comme pour les huiles ferment à température de la pièce (d’où les processus industriels pour créer des gras trans qui sont des huiles ferment à température de la pièce).

La présence des oméga-3 dans les membranes cellulaires assure ainsi la fluidité de celle-ci et cela permet l’ajout des récepteurs membranaires, des canaux de transports et autres protéines essentielles au bon fonctionnement des cellules. C’est ce que l’on appelle la fluidité membranaire. Mauvaise fluidité = mauvais fonctionnement des cellules. Vous pouvez donc facilement comprendre que les oméga-3 sont essentiels au bon fonctionnement de toutes les cellules du corps humain, et donc, qu’ils ont une importance primordiale dans la conservation d’une bonne santé et de la longévité.

De plus, ils sont impliqués dans tous les processus inflammatoires. L’inflammation est essentielle à la vie et les molécules provoquant l’inflammation sont produites à partir des oméga-6, tandis que celles permettant de réduire l’inflammation une fois qu’elle n’est plus nécessaire, sont fabriquées à partir des oméga-3. Si le corps contient trop d’oméga-6 par rapport aux oméga-3, les cellules fonctionneront moins bien, l’inflammation durera trop longtemps ou sera provoquée trop facilement et cela augmentera les risques d’un grand nombre de maladies en plus d’accélérer le développement de la majorité de celles associées au vieillissement.

Malheureusement, au cours des dernières années, les gras ont été diabolisés pendant que nous augmentions la consommation néfaste des glucides. Il est vrai que certains gras peuvent être mauvais pour la santé, comme les gras trans mentionnés auparavant, mais ce discours erroné axé sur le négatif, a détourné l’attention de l’importance des bons gras et des ratios oméga-6/oméga-3 dans l’alimentation. Des études récentes ont estimé que ce ratio est généralement de 20 :1 à 50 :1 en Amérique du Nord, alors qu’il devrait se situer aux environs de 4 :1 afin de permettre une bonne santé.

 

L’alimentation et les oméga-3

Il faut donc consommer plus d’oméga-3 et aussi, je tiens à le souligner, moins d’oméga-6. Pour améliorer le ratio, il y a deux façons : réduire les oméga-6 et augmenter les oméga-3. Pour les gens qui ont des ratios de 50 :1 actuellement, juste augmenter la consommation d’oméga-3 ne sera probablement pas suffisant. Il faut aussi réduire les oméga-6 qui sont présents en grande quantité dans les huiles végétales, la friture (le «néfaste food» comme le dit si bien mon ami Jean-Yves Dionne) et les charcuteries. La viande de façon générale en contient aussi, mais en moins grande quantité.

Pour ce qui est des oméga-3, les recommandations sont simples : mangez du poisson et prenez des suppléments. Les sources végétales, comme la graine de lin, contiennent un oméga-3 (ALA : l’acide alpha-linolénique) qui n’est pas utilisé par le corps humain pour les membranes cellulaires et doit être converti en AEP (l’acide eicosapentaénoïque) ou en ADH (l’acide docosahexaénoïque). Le taux de conversion est très faible (aux environs de 1 à 5%). C’est que l’ALA est une chaîne de 18 carbones qui doit être rallongée de 2 carbones pour faire l’AEP (environ 5% de conversion) ou de 4 carbones pour faire l’ADH (environ 1% de conversion). Ainsi, les bonnes sources alimentaires sont le saumon, les sardines et le maquereau (les poissons gras) pour lesquels une portion raisonnable peut contenir de 1500 à 3000 mg d’oméga-3. Les recommandations alimentaires habituelles sont de 3 consommations de poissons gras par semaine ce qui donne une moyenne d’environ 1100 mg/jour d’oméga-3. Est-ce suffisant ?

 

Les dosages thérapeutiques

Avons-nous tous besoin d’un dosage thérapeutique ? Nous pourrions dire qu’il y a une différence entre les doses de base de la consommation d’oméga-3 et l’usage thérapeutique. Toutefois, pour quelles raisons considérez-vous votre apport en oméga-3 ? S’il s’agit de raisons reliées aux démonstrations cliniques effectuées avec des dosages thérapeutiques, c’est que vous devez en prendre suffisamment pour permettre ces impacts positifs.

L’Organisation mondiale de la santé recommande une dose journalière de 1000 mg d’oméga-3 qui correspond à peu près à trois consommations de poissons gras par semaine. Les dosages thérapeutiques sont ceux utilisés pour optimiser un apport en oméga-3 dans le but de rétablir ou d’aider à une condition de santé. Ils sont définis comme supérieurs ou égales à 1800 mg d’omega-3/jour et les études cliniques utilisent souvent de 2000 à 4000 mg/jour d’oméga-3. Voici 3 exemples :

 

  • HYPERTENSION : Méta-analyse de 71 essais cliniques, près de 5000 personnes (Zhang et al, 2022):
    • bénéfices significatifs entre 2000 à 3000 mg/j,
    • bénéfices supérieurs à plus de 3000 mg/j,
    • les bénéfices ne sont pas plus élevés à 5000 mg/j
    • pris par l’alimentation ou en suppléments.

 

  • DÉPRESSION : 26 études cliniques, 2160 participants: effet thérapeutique sur l’amélioration de la dépression (Liao et al, 2021). Effets significatifs sur les symptômes de dépression vs placébo (P = 0.004):
    • ≥ 60% d’AEP,
    • ≥ 1000 mg d’AEP/j,
    • aucun effet significatif de l’ADH.

 

  • MALADIES RHUMATOÏDES INFLAMMATOIRES : analyses systématiques et méta-analyses, 30 études cliniques, 1420 participants, 3 à 6 mois, dose thérapeutique ≥ 2000 mg/j (Sigaux et al, 2022), effets significatifs comparés au placébo sur:
    • le nombre d’articulations douloureuses, enflées et sensibles,
    • le niveau d’activité de la maladie (évaluation pour 28 articulations) et
    • les résultats du questionnaire d’évaluation de la santé.

 

Ainsi, bien que la consommation de 3 à 10 portions de poisson par mois semble déjà avoir un impact sur la longévité, les démonstrations cliniques utilisent habituellement plus de 2000 mg/jour d’oméga-3 pour la majorité des bénéfices considérés par les consommateurs. Il est donc nécessaire, pour la majorité des gens, de compléter votre consommation d’oméga-3 par la prise d’un supplément de qualité permettant d’atteindre les dosages thérapeutiques de 2000 à 4000 mg/jour.

 

Article publié sur Vitalité Québec 

 


 

Références

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