Vieillir est la seule façon que j’ai trouvé de rester en vie. Il est tout de même possible de faire en sorte de garder le maximum de nos capacités, le plus longtemps possible. Et il ne s’agit pas seulement des capacités musculaires.
Bien que notre perception de la vie change, habituellement pour le mieux, nos capacités diminuent. Un de mes bon amis, qui a déjà dépassé la soixantaine, me dit, qu’en vieillissant, il n’oublie jamais rien d’important, mais qu’il y a de moins en moins de choses qui ont de l’importance. C’est une bonne façon de se rappeler, qu’alors que nos capacités diminuent, nos besoins s’adaptent. Toutefois, il faut résister et obliger le corps à sortir régulièrement de sa zone de confort pour l’obliger à s’adapter.
Une des facettes la plus marquante du vieillissement est justement la baisse des capacités d’adaptation. Vous n’avez qu’à penser à votre sommeil. Quand nous étions jeunes, nous pouvions facilement nous coucher à 5 heure du matin, nous lever à 7h30, aller travailler et dormir une nuit normale le soir pour récupérer sans trop de séquelles (en tout cas, dans mon cas, c’est arrivé à quelques reprises). Déjà, à 46 ans, je ne peux plus faire ça. Ma capacité d’adaptation face aux changements, aux difficultés et aux répercussions sur la qualité de mon sommeil a déjà diminuée. Si je me couche un soir à 5 heures du matin, je risque d’avoir besoin d’une semaine pour retrouver mon horaire normal de sommeil de qualité.
Il s’agit d’un exemple simpliste concernant le sommeil, mais c’est la même chose pour l’exercice physique, pour les capacités cognitives et pour notre flexibilité métabolique. Pour les conserver le plus longtemps possible, il faut résister à la baisse de la capacité d’adaptation en repoussant nos limites pas nos habitudes de vie ou en utilisant des molécules naturelles capables de stimuler les mécanismes associés.
L’entrainement par intervalle de haute intensité
L’entrainement par intervalle de haute intensité a été développé durant les années 30. D’abord utilisé pour entrainer les athlètes de haut niveau, il est devenu largement utilisé dans les salles d’entrainement et dans la population en général. Ses nombreux bénéfices ont été largement étudiés, autant pour l’augmentation des capacités d’efforts que pour la capacité pulmonaire et la composition corporelle.
Il s’agit d’effectuer des exercices de haute intensité et de courte durée, espacés de périodes de repos. L’intensité doit atteindre 80 à 95% des capacités maximales qui peuvent être évaluées sur la base des capacités respiratoires ou de la fréquence cardiaque. Pour donner un exemple, le Centre ÉPIC de l’Institut de Cardiologie de Montréal a étudié plusieurs protocoles d’entrainement par intervalle pour conclure à l’efficacité d’un 15/15 de deux fois huit minutes. Il s’agit d’un entrainement sur vélo de 15 secondes au maximum de sa capacité, espacé par un 15 secondes de repos et ce, durant huit minutes. Le premier huit minutes est suivi d’une période de repos et d’un second huit minutes de la même façon. Il s’agit donc de seulement 8 minutes d’entrainement sur une période d’une vingtaine de minutes en tout. Ils ont démontré que ce 8 minutes donne de meilleurs résultats qu’un entrainement de 30 minutes modéré en continu.
Il s’agit d’une belle démonstration de l’efficacité de l’effort à dépasser ses limites, à forcer le corps à s’adapter à la sortie de la zone de confort dans le but de conserver le plus possible nos capacités. Et si nous appliquions la même logique aux capacités cognitives ?
La réserve cognitive
La réserve cognitive est le concept que le cerveau résistera aux effets du vieillissement en conservant ses capacités d’adaptation, que l’on appelle la plasticité neuronale, s’il est constamment stimulé. Ici, il faut bien comprendre avant tout ce qui est exigeant pour le cerveau afin d’identifier ce qui peut repousser ses limites.
Personnellement, je regroupe les activités exigeantes pour le cerveau sous trois catégories : les activités de coordination, la gestion des émotions et l’apprentissage.
Les activités de coordination font référence à la coordination de plusieurs systèmes comme l’équilibre, la motricité et la vue. La majorité des activités physiques, comme faire du vélo, requièrent la coordination de plusieurs systèmes. La danse, le chant, les jeux vidéo, le tennis en sont des exemples.
Pour la gestion des émotions, c’est un peu plus compliqué. Vous avez probablement déjà remarqué que les journées très chargées en émotions sont particulièrement épuisantes. C’est que le cerveau en est épuisé. La question est comment le mettre en application? Et bien, par la vie sociale de qualité! La vie sociale de qualité réfère à la capacité de parler de ses émotions et de partager de vrais moments, de dire les vrais choses. Cette gestion des émotions est très bénéfique pour la santé cognitive.
La troisième catégorie est facile : l’apprentissage. Le fait d’apprendre de nouvelles choses requièrent que le cerveau conserve sa plasticité neuronale, la capacité à créer de nouvelles connections, afin d’enregistrer les nouvelles informations. Cette activité à un double bénéfices : la stimulation des capacités et le besoin de dormir. Le cerveau à besoin de dormir pour bien implanter les nouvelles connaissances. Ainsi, l’apprentissage aide à augmenter ou conserver les réserves cognitives, mais aussi, il favorise un sommeil plus profond et réparateur.
Le jeûne forcé
C’est le nom que j’ai donné au fait de s’entrainer durant une période de jeûne. Ce n’est donc pas réellement le jeûne qui est forcé, mais le métabolisme énergétique qui est forcé à s’adapter plus rapidement. Il faut préciser que cela demande de l’entrainement, il faut y aller progressivement. À moins d’être déjà en très bonne santé métabolique. La majorité des gens auront des étourdissements et des inconforts importants s’il s’entraine le ventre vide, dû à la baisse du glucose sanguin qui ne sera pas compensée assez rapidement.
Une étude avait démontré en 2013 (Farah et Gill, 2013) que le fait de s’entrainer avant le déjeuner avait des bénéfices plus importants que de s’entrainer après le déjeuner chez un petit groupe de personnes obèses. Les analyses ont démontré que la dégradation des graisses est supérieure à la dégradation des glucides et la dépense énergétique globale est plus élevée en cas d’exercice précédant le petit déjeuner plutôt qu’après. Il s’agit donc d’un entrainement durant une période de jeûne puisque durant la nuit, nous ne nourrissons pas notre corps. Une période de plus de 6 heures sans manger peut être considérée comme un début de jeûne et la nuit nous donne souvent 10 à 12 heures sans nourriture.
Il s’agit d’une sortie de notre zone de confort métabolique qui force le corps à s’adapter et à maintenir une meilleure flexibilité. Quand le corps se retrouve en manque de glucose, il active l’utilisation des réserves de glycogène, musculaire et au niveau du foie afin de combler la baisse des niveaux sanguins. Cette première adaptation devrait se faire habituellement rapidement et éviter que la baisse de glucose vous fasse ressentir des étourdissements.
Si la période sans apport de glucides se prolonge, la baisse des réserves de glycogène provoquera une deuxième adaptation qui est la dégradation des graisses pour produire les cétones. Nos réserves de graisse doivent être dégradés sous forme de cétones, du nom de la diète cétogène, afin de permettre de les utiliser pour produire de l’énergie. Le foie continu à produire du glucose, mais les cétones produites viennent combler un manque à gagner énergétique en apportant une deuxième source d’énergie.
Ainsi, si vous combinez l’exercice physique à une période sans manger, vous forcerez votre métabolisme à répondre plus rapidement, soit pour la dégradation du glycogène ou encore pour la dégradation de vos graisses si la période sans manger est prolongée. Une autre étude, plus récente (Deru et al, 2021), a montré que l’exercice durant le jeûne provoque la production de cétose 3,5 heures plus tôt que le jeûne sans activité physique et une production totale de cétones 43% plus élevée. La cétose débutait après 20 à 24 heures chez les participants sans exercices physiques.
Les molécules naturelles qui miment une sortie de zone de confort (quelques exemples)
Certaines molécules naturelles peuvent stimuler des mécanismes associés à ces sorties de zone de confort. Par exemple, une grande partie des bénéfices de l’activité physique sur la mémoire sont reliés à l’amélioration de la circulation sanguine qui est un mécanisme partagé avec le Ginkgo biloba. Il est à souligner que les extraits de qualité du Ginkgo stimuleraient aussi les mécanismes de réparation de l’ADN, en plus d’une multitude d’autres bénéfices. Nous avons découvert durant nos recherches avec l’Université Concordia que ces bénéfices pourraient provenir d’un impact sur les mécanismes du vieillissement primaire. Le Ginko contient des molécules que l’on appellent des agents gérosuppresseurs.
De la même façon, l’activité physique va forcer la production d’anti-oxydants naturels, des cellules pour combattre l’augmentation causée par la production d’énergie plus élevée. Plusieurs types de polyphénols peuvent aussi jouer ce rôle; non pas d’être utilisés eux-mêmes comme anti-oxydants, mais de stimuler la production naturelle. Ceci va empêcher les risques associés à une prise trop élevée d’antioxydants. Ainsi, les molécules naturelles antioxydantes ne sont pas toutes équivalentes. Nous devrions privilégier celles qui stimulent la production naturelle des cellules, telles les polyphénols d’olives.
Même chose du côté du métabolisme. Certaines molécules vont améliorer le fonctionnement des mitochondries (comme la co-enzyme Q10) ou encore, améliorer le métabolisme énergétique général en facilitant une meilleure gestion de l’insuline et des lipides, un peu comme le fait le jeûne. Leurs effets ne sont pas aussi puissants, mais pourraient être considérés comme un soutient supplémentaire. Le mieux documenté en études cliniques est surement le resvératrol. Il améliore la proportion de masse adipeuse brune (bénéfique) au détriment de la masse adipeuse blanche (défavorable). Il agit aussi sur la gestion du glucose en réduisant la résistance à l’insuline. Remarquez qu’il s’agit aussi d’un agent gérosuppresseur. Ces molécules (les agents gérosuppresseurs), que nous appelions auparavant des mimétisme de la restriction calorique, auront aussi des impacts importants sur le métabolisme puisque le métabolisme énergétique est fortement impliqué dans les processus du vieillissement primaire (la poussé de l’organisme à vieillir).
Conclusion
Le concept est simple : sortir constamment, et de différentes façons, de notre zone de confort pour obliger notre corps à maintenir ses capacités d’adaptation qui sont garantes de nos capacités en vieillissant. Tout ceci pour favoriser une longévité en santé!
Pour plus d’information sur nos recherches : www.esimard.com.
N’hésitez pas à m’écrire si vous avez des questions.
Publié initialement dans la revue Vitalité QC : https://vitalitequebec-magazine.com/
Autres lectures proposées :
- Mémoire et santé cognitive – Gingko biloba (partie 1)
- Mémoire et santé cognitive – Gingko biloba (partie 2)
- Le resvératrol : comment réagir à un danger de mort
- Les agents gérosuppresseurs
Références
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