Du point de vue du chercheur sur la longévité, il y a cinq grands domaines d’informations permettant d’identifier des trucs issus de la nature pour être en mesure de profiter de la vie plus longtemps : 1) l’étude des populations centenaires, 2) les gérosuppresseurs et le vieillissement cellulaire, 3) la chronobiologie, 4) la biologie comparative et 5) les études épidémiologiques. En science, on ne cherche pas à discréditer un type d’informations par rapport à un autre, mais plutôt, à tirer une connaissance globale qui permet d’avoir une vision plus juste de ce qui peut avoir un impact significatif et de comment le mettre en application. Même si nous sommes en octobre, je vais éviter les considérations entourant les vampires, loup-garou ou même Frankenstein.
Ici je vous parlerai du 4e groupe d’informations : la biologie comparative. Saviez-vous que certains organismes vivants ne vieillissent pas et même, conservent des capacités de régénération exceptionnelles ? Dans le même sens, certains mammifères vivent jusqu’à 10 fois plus longtemps que les autres mammifères de leur taille, ou encore, une espèce de rongeur ne présente aucun signe de vieillissement jusqu’à un âge très avancé.
Les stratégies utilisées par les organismes qui vivent très longtemps peuvent nous donner des pistes sur ce qu’il est possible d’utiliser pour optimiser la longévité en santé de l’espèce humaine. On n’a qua penser à l’hydre; un organisme aquatique qui ne vieillit pas grâce au facteur de transcription de l’ADN FOXO dont certaines variantes, mutations, augmenteraient considérablement les chances d’atteindre 100 ans pour un humain. Un facteur de transcription est une protéine qui se lie à l’ADN pour promouvoir certaines fonctions particulières.
Chez l’humain, ce facteur de transcription se nomme FOXO3. Bien sûr, sa présence n’est pas suffisante pour permettre à elle seule la régénération des cellules à l’infini. Le facteur de transcription FOXO3 est responsable de la modulation d’un grand nombre de processus cellulaires, incluant la mort cellulaire programmée (l’apoptose), la croissance, la quiescence cellulaire et la résistance au stress par la production des enzymes antioxydantes naturelles. Plusieurs études indépendantes ont démontré qu’une variante du gène Foxo3a est surreprésentée chez des gens ayant vécu très longtemps, et ce, en Allemagne, en Chine, en Italie et aux États-Unis.
Outre l’hydre, nous connaissons un grand nombre d’organismes ayant une longévité supérieure à la moyenne et qui peuvent nous donner des pistes sur de nouvelles approches de longévité en santé. En voici quelques-uns dignes de mention :
- La méduse immortelle (Turritopsis dohrnii). Cette petite méduse de la mer des caraïbes est souvent surnommée « immortelle » car elle a la capacité unique de régénérer son corps et de revenir à un stade de jeunesse après avoir atteint la maturité sexuelle. En théorie, cette espèce pourrait vivre éternellement, à condition de ne pas être victime de prédateurs ou d’autres causes de décès.
- Le quahog nordique (Arctica islandica). Ce mollusque bivalve (bivalve = deux coquilles comme les moules ou les huitres) communément appelé palourde nordique, est réputé pour sa longévité exceptionnelle. Certains individus ont été datés de plus de 500 ans, ce qui en fait l’un des animaux ayant vécus le plus longtemps sur Terre.
- Le requin du Groenland (Somniosus microcephalus). Le requin du Groenland est l’une des plus grandes espèces de requins, pouvant atteindre une longueur de plus de 6 mètres. Avec le grand requin blanc, il s’agit des plus grands prédateurs terrestres. Des études scientifiques ont révélé que certains individus de cette espèce peuvent vivre jusqu’à 400 ans, ce qui en fait l’un des animaux ayant la plus grande longévité. Il atteindrait la maturité sexuelle aux environs de 150 ans.
- Le sébaste aux yeux épineux (Sebastes aleutianus). Ce poisson osseux présente une longévité exceptionnelle. Un spécimen a été évalué à 205 ans au sud de l’Alaska.
- La baleine boréale (Balaena mysticetus). Cette espèce de baleine est connue pour sa longévité. Des études ont suggéré que certaines baleines boréales peuvent vivre jusqu’à 200 ans, ce qui en fait les mammifères vivant le plus longtemps. Des spécimens femelles ont été observés à 90 ans avec la capacité de se reproduire.
- L’oursin rouge (Strongylocentrotus franciscanus). Il est considéré comme une espèce à sénescence négligeable (très faible vieillissement). Des estimations suggèrent que ces animaux pourraient vivre jusqu’à 200 ans dans la nature, sans augmentation du taux de mortalité lié à l’âge ni aucun déclin de la capacité de reproduction. Les espèces d’oursins à vie plus longue ont plus de gènes associés à l’immunité innée, indiquant des mécanismes de défense plus importants. Une étude a démontré de faibles niveaux de prolifération cellulaire (une faible croissance) et d’apoptose (la mort cellulaire pour le remplacement des cellules endommagées) dans les tissus internes, en accord avec leurs faibles taux métaboliques.
- Les tortues géantes des Galapagos (Chelonoidis nigra). Les tortues géantes des Galapagos sont célèbres pour leur longévité. Certains spécimens ont vécu plus de 100 ans, voire dépassé les 150 ans. L’une des tortues les plus connues, appelée « Harriet », aurait vécu environ 175 ans.
- La lamproie de rivière (Lethenteron camtschaticum). Cette espèce de lamproie d’eau douce a été reconnue pour sa longévité étonnante. Des individus ont été signalés comme vivant jusqu’à 100 ans, voire plus. Aussi appelée lamproie arctique, elle est présente dans le nord-ouest du Canada.
- La salamandre de grotte (Proteus anguinus). La seule représentante de son genre, cette salamandre blanche pourrait vivre jusqu’à 100 ans. Elle ne démontre aucun signe de vieillissement. L’animal, complètement aveugle, se débrouille grâce à ses autres sens très développés; l’odorat et le toucher.
- Les chauve-souris (Myotis brandtii et Myotis myotis). Le Murin de Brandt ou Vespertilion de Brandt (Myotis brandtii) est une espèce de chauves-souris connu pour sa longévité exceptionnelle d’environ 40 ans. De la même façon, son cousin, la chauve-souris à oreilles de souris (‘’mouse-eared bat’’) vit aussi très longtemps. Un individu aurait atteint l’âge de 37 ans. Nous pourrions à priori penser que 37 à 40 ans c’est peu, mais c’est 8 à 10 fois plus longtemps que les autres rongeurs de même taille. Une longévité 10 fois supérieure, c’est ce que l’on appelle une longue durée de vie.
Sans aller dans les détails, ces organismes présentent souvent des capacités communes, habituellement issus de mécanismes cellulaires convergents, pour améliorer leur fonctionnement et leur permettre une plus grande longévité en santé. Parmi ces mécanismes, nous retrouvons la réparation de l’ADN, les défenses cellulaires contre le stress oxydatif, la réduction de l’inflammation, une bonne défense contre le cancer, le fonctionnement cellulaire en lien avec les mitochondries et l’efficacité du système immunitaire. Plusieurs d’entre eux on aussi des métabolismes lents qui se traduisent par un vieillissement plus lent.
Certaines de ces adaptations peuvent être stimulées par nos habitudes de vie ou la prise de certains suppléments. Par exemple :
- L’efficacité mitochondriale est influencée par notre niveau d’activité physique, particulièrement les activités de hautes intensités qui génère une production d’énergie anaérobique. Elle est réduite par une mauvaise santé métabolique et peut être améliorée par la prise de certains suppléments comme la coenzyme Q10.
- L’activité physique et la consommation de polyphénols végétaux augmentent notre résistance au stress oxydatif. Ici, mieux vaut opter pour la modulation de la production naturelle d’antioxydants, que de prendre de grandes doses d’antioxydants en suppléments.
- Nos capacités de maintenance et de réparation sont stimulées par le jeûne ou la prise de gérosuppresseurs (comme le resvératrol et les polyphénols d’olives). L’activité physique aussi les améliore, entre autres, par la stimulation de l’autophagie (qui est aussi stimulée par le jeûne).
- Le jeûne, la restriction calorique, et particulièrement, la restriction des glucides raffinés dans l’alimentation, ralentissent la vitesse du vieillissement cellulaire, tout comme les gérosuppresseurs.
- Une saine alimentation et plus particulièrement, l’alimentation anti-inflammatoire, aide à réduire l’inflammation, avec l’activité physique, la prise d’oméga-3 et de probiotiques.
- L’efficacité de notre système immunitaire est dépendante de la majorité de nos habitudes de vie, dont notre stress et notre sommeil, et peut être optimisée par plusieurs suppléments comme la vitamine D3, la vitamine C, le zinc ou encore, les extraits de qualité d’échinacée ou d’astragale.
Personnellement, j’en viens à la conclusion que nous pouvons augmenter nos chances en :
- éliminant les glucides raffinés,
- conservant une bonne santé métabolique,
- ajoutant des périodes de jeûne,
- ayant un programme d’activité physique qui inclue des exercices de haute intensité,
- ajoutant des gérosuppresseurs,
- ajoutant d’autres suppléments bien sélectionnés.
Les recherches sur ces organismes nous apportent bien sûr des détails plus précis sur une multitude de processus cellulaires, mais ces recommandations font beaucoup de sens pour les plus importants principes. En espérant que vous survivrez à l’halloween en bonne santé!
Article publié dans Vitalité Québec
Références:
Austad SN, 2009. Comparative biology of aging. J Gerontol A Biol Sci Med Sci. 2009 Feb;64(2):199-201.
Austad SN. 2010. Methusaleh’s Zoo: how nature provides us with clues for extending human health span. J Comp Pathol. 2010 Jan;142 Suppl 1(Suppl 1):S10-21.
Costantini et al, 2017. The Greenland shark: A new challenge for the oxidative stress theory of ageing? Comp Biochem Physiol A Mol Integr Physiol. 2017 Jan;203:227-232.
Edrey et al, 2011. Successful aging and sustained good health in the naked mole rat: a long-lived mammalian model for biogerontology and biomedical research. ILAR J. ;52(1):41-53.
Galliot et Schmid, V. 2002. Cnidarians as a model system for understanding evolution and regeneration. Int J Dev Biol. 2002 Jan;46(1):39-48. Review.
Holtze et al, 2021. Alternative Animal Models of Aging Research. Front Mol Biosci. 2021 May 17;8:660959.
Lewis et al, 2012. Stress resistance in the naked mole-rat: the bare essentials – a mini-review. Gerontology. 2012;58(5):453-62.
Lewis et al, 2018. A window into extreme longevity; the circulating metabolomic signature of the naked mole-rat, a mammal that shows negligible senescence. Geroscience. 2018 Apr;40(2):105-121.
Locatelli et Cenci, 2022. Autophagy and longevity: Evolutionary hints from hyper-longevous mammals. Front Endocrinol (Lausanne). 2022 Dec 20;13:1085522.
Ma et Gladyshev, 2017. Molecular signatures of longevity: Insights from cross-species comparative studies. Semin Cell Dev Biol. 2017 Oct;70:190-203.
Palmer et al. 2021. Ageing transcriptome meta-analysis reveals similarities and differences between key mammalian tissues. Aging (Albany NY). 2021 Feb 11;13(3):3313-3341.
Picca et al, 2017. Does eating less make you live longer and better? An update on calorie restriction. Clin Interv Aging. 2017 Nov 8;12:1887-1902.
Popov et Skulachev, 2019. Neotenic Traits in Heterocephalus glaber and Homo sapiens. Biochemistry (Mosc). 2019 Dec;84(12):1484-1489.
Shi et al, 2012. Reduced mitochondrial ROS, enhanced antioxidant defense, and distinct age-related changes in oxidative damage in muscles of long-lived Peromyscus leucopus. AmJ Physiol Regul Integr Comp Physiol. 2013 Mar 1;304(5):R343-55.
Treaster et al, 2014. Superior proteome stability in the longest lived animal. Age (Dordr). 2014 Jun;36(3):9597.
Viltard et al, 2019. The metabolomic signature of extreme longevity: naked mole rats versus mice. Aging (Albany NY). 2019 Jul 24;11(14):4783-4800. doi: 10.18632/aging.102116. PMID: 31346149; PMCID: PMC6682510.