Éric Simard, Dr en biologie et chercheur, avec la collaboration de Stéphane Migneault, psychologue.

 

Je vais vous parler de la fatigue, mais je vais y intégrer plusieurs dimensions qui ne sont pas considérées habituellement. La fatigue dépend bien sûr de nos capacités physiques, mais aussi, de nos capacités mentales, qui elles, sont influencées par nos attentes et notre état psychologique. La fatigue est donc habituellement multifactorielle et devrait aussi être abordée par plusieurs approches simultanées afin d’obtenir les meilleurs résultats.

Donc pour la fatigue, je vais vous parler de:

  1. L’état psychologique et les attentes
  2. L’activité physique
  3. La gestion du stress chronique et/ou de la dépression saisonnière
  4. L’alimentation
  5. Les suppléments
  6. Les conseils du psychologue

Étant donné la grande importance que j’accorde au rôle de l’état d’esprit pour combattre la fatigue, nous terminerons ces recommandations, dans le deuxième article, avec les conseils de Stéphane Migneault, psychologue.

1. L’état psychologique et les attentes

Le terme fatigue regroupe bien sûr la fatigue physique et la fatigue psychologique. Je considère personnellement que la fatigue psychologique est grandement reliée à nos attentes. Les gens exigeants envers eux-mêmes auront tendance à être fatigués mentalement parce qu’ils se mettent beaucoup de pression à performer. Cela peut être un avantage, mais il s’agit aussi d’un fardeau à porter continuellement. Il est important d’y trouver un juste équilibre.

Ce n’est qu’un exemple, la fatigue psychologique peut aussi être reliée à des dépendances envers les autres, à du stress chronique, à des difficultés de la vie imposées par des conditions de santé, à des évènements marquants, ou à d’autres situations difficiles à gérer et dont les effets persistent dans le temps. Une pharmacienne collaboratrice au Blogue de Vitoli a écrit trois textes qui contiennent des recommandations pouvant être très utiles :

Je ne suis bien sûr pas un spécialiste dans ce domaine, mais c’est très important de considérer l’état psychologique et de se demander si notre évaluation de notre niveau de fatigue n’est pas trop reliée à nos attentes ou réellement à nos capacités physiques ? Nous pouvons toujours être satisfaits d’avoir couru 40 km en deux heures, et être déçus de ne plus avoir suffisamment d’énergie pour grimper le Mont Everest en 30 minutes. Il s’agit d’exemple de performances physiques, mais qui implique nos attentes psychologiques. Dans le doute, n’hésitez pas à consulter.

2. L’activité physique

Vous vous rappelez surement le slogan des campagnes publicitaires « L’activité physique, ça donne de l’énergie ». Il y a deux grandes raisons pour lesquelles cet énoncé est vrai : une raison biologique et une raison psychologique.

D’un point de vue biologique, l’activité physique est beaucoup plus qu’un outil de contrôle du poids corporel. L’activité physique provoque des changements macroscopiques comme une augmentation de la densité des vaisseaux sanguins qui alimentent nos muscles, mais aussi des changements microscopiques comme l’augmentation de la densité en mitochondries, les usines énergétiques de nos cellules. Il s’agit d’une adaptation physiologique à notre besoin de générer une plus grande quantité d’énergie pour des activités qui en requièrent plus. Le corps rend disponibles les capacités énergétiques en fonction de nos besoins. Ainsi, si nous exprimons régulièrement le besoin d’une plus grande capacité énergétique, le corps la rendra disponible. Le contraire est aussi vrai. La sédentarité mène inévitablement à une faible capacité énergétique.

La raison psychologique est aussi reliée aux effets biologiques de l’activité physique. L’activité physique, surtout intense, provoque des changements de production de neurotransmetteurs au niveau du cerveau. Il y a aussi deux grandes raisons biologiques : la récompense et la capacité de fuir. D’un point de vue évolutif, il est facile de s’imaginer que le fait d’être capable de couvrir un vaste territoire, entre autres pour la recherche de nourriture, reliée à une activité physique plus intense, peut être récompensé par la production de neurotransmetteurs du bien-être. Et c’est le cas! Ainsi, l’activité physique intense augmente la production de la dopamine (reliée aux sentiments de récompenses). De la même façon, à quoi bon aller rapidement si l’on ne sait pas où l’on va ? L’activité physique intense augmente aussi la production de l’adrénaline pour nous permettre de fuir ou combattre (ce qui n’est pas une utilité de notre vie de tous les jours depuis la disparition de l’ours des cavernes). Il y a bien sûr beaucoup d’autres aspects reliés comme la réduction des processus inflammatoires et l’augmentation de vascularisation du cerveau (et oui, pas juste des muscles).

Prenons un exemple qui parle de lui-même. Une étude récente portant sur la fatigue reliée au cancer, une méta-analyse, rapporte que l’activité physique et les interventions psychologiques sont efficaces, pendant et après les traitements, et elles sont significativement meilleures que les approches médicamenteuses.

3. La gestion du stress chronique et/ou de la dépression saisonnière

Un ami médecin me racontait récemment que les cas de déprime augmentent en flèche actuellement, avec l’arrivée de l’automne, mais ils sont accentués par la pandémie et les effets du stress chronique. J’ai écrit un article sur le sujet tout récemment et j’aimerais attirer votre attention sur les impacts de la déprime et du stress chronique sur l’évaluation de votre niveau de fatigue. Il est possible qu’une grosse partie de votre ressentie y soit reliée. Voici deux textes pour vous aider :

4. L’alimentation

L’alimentation, notre source d’énergie, joue un rôle primordial en ce qui a trait à la fatigue. Il ne suffit pas d’avoir un apport énergétique, mais aussi de quel type d’énergie et de ce que le corps fait de cette énergie. De plus, l’alimentation a un grand impact sur l’état d’esprit. Vous devriez vous soucier de toutes les facettes de la saine alimentation. Voici quelques considérations particulières pour la fatigue :

  • Le café. Les gens fatigués ont tendance à prendre plus de café et celui-ci peut engendrer une dépendance/accoutumance ainsi que des problèmes de sommeil ou de stress qui peuvent empirer la situation. Faire attention à consommer avec modération.
  • Le sucre. La source d’énergie que nos papilles préfèrent. Malheureusement, la consommation de sucre stimule la production d’insuline et lorsque son niveau devient élevé, elle favorise le stockage de l’énergie au lieu de son utilisation. La consommation du sucre raffiné augmente donc les sentiments de fatigue en réduisant sa disponibilité pour nos cellules. Cela est vrai aussi, de façon moins importante, pour les autres sources de sucres raffinés comme les pâtes alimentaires, les farines blanches et/ou autres aliments à charge glycémique élevée.
  • Les sources d’énergie alternatives. Il peut être bénéfique de forcer notre corps, à l’occasion, à maintenir actifs les mécanismes reliés aux sources d’énergie alternative comme l’utilisation des gras et des protéines. Il s’agit de soit réduire tout apport alimentaire (le jeûne; pour obliger le corps à puiser dans les réserves) ou réduire fortement l’apport en glucide total (comme c’est le cas pour l’alimentation cétogène).
  • Le manque de certains éléments nutritifs. Plusieurs minéraux et vitamines sont reliés aux mécanismes de la production d’énergie et leur carence peut causer de la fatigue. Par exemple, le magnésium qui est essentiel au fonctionnement de plus de 300 enzymes dans tout le corps humain. On estime que 45 à 50% de la population canadienne serait carencé en magnésium. Une rencontre avec une nutritionniste pourrait identifier des lacunes alimentaires, et un dosage de certaines vitamines et/ou minéraux peut être demandé par votre médecin.

Nous couvrirons les deux autres astuces pour vous aider avec la fatigue dans le deuxième article qui portera spécifiquement sur l’usage de suppléments alimentaires de qualité et les conseils du psychologue Stéphane Migneault.

 

 

Autres textes à consulter :

 

 

Références:

  • D’Aurizio G, Caldarola A, Ninniri M, Avvantaggiato M, Curcio G. Sleep Quality and Psychological Status in a Group of Italian Prisoners. Int J Environ Res Public Health. 2020 Jun 13;17(12):4224.
  • Di Liegro CM, Schiera G, Proia P, Di Liegro I. Physical Activity and Brain Health. Genes (Basel). 2019 Sep 17;10(9):720.
  • Haß U, Herpich C, Norman K. Anti-Inflammatory Diets and Fatigue. Nutrients. 2019 Sep 30;11(10):2315. doi: 10.3390/nu11102315. PMID: 31574939; PMCID: PMC6835556.
  • Hasan KM, Rahman MS, Arif KM, Sobhani ME. Psychological stress and aging: role of glucocorticoids (GCs). Age (Dordr). 2012;34(6):1421–1433.
  • Mustian KM, Alfano CM, Heckler C, Kleckner AS, Kleckner IR, Leach CR, Mohr D, Palesh OG, Peppone LJ, Piper BF, Scarpato J, Smith T, Sprod LK, Miller SM. Comparison of Pharmaceutical, Psychological, and Exercise Treatments for Cancer-Related Fatigue: A Meta-analysis. JAMA Oncol. 2017 Jul 1;3(7):961-968.
  • Pottie et al, 2018. Déprescription des agonistes des récepteurs des benzodiazépines. Guide de pratique
  • Stadje R, Dornieden K, Baum E, Becker A, Biroga T, Bösner S, Haasenritter J, Keunecke C, Viniol A, Donner-Banzhoff N. The differential diagnosis of tiredness: a systematic review. BMC Fam Pract. 2016 Oct 20;17(1):147.
  • Van Den Noortgate N, Vanden Berghe P, De Lepeleire J, Ghijsebrechts G, Lisaerde J, Beyen En Collaboration Avec le Groupe de Travail Soins Palliatifs Et Gériatrie Palliatieve Zorg En Geriatrie A. Vieillesse et fatigue de vivre. La lassitude chez la personne âgée [Tiredness of life in older adults]. Rev Med Liege. 2017 Dec;72(12):562-563. French.