Voici le 2e article de la série rédigée par le Dr Mathieu Millette, consultez le premier article : Ma mère et le SARS-COV-2
Dans son célèbre numéro « L’argent » présenté en 1969, Yvon Deschamps a dit qu’il valait mieux être riche et en santé que pauvre et malade. Il n’a jamais eu autant raison qu’en ce moment. Cette pandémie de COVID-19 nous fait vraiment vivre un « Back to the Future ». La dernière fois que nous avons combattu un ennemi de la sorte, c’était il y a très longtemps en mille huit cents…
Non, attendez, nous (je veux dire l’humanité) en affrontons régulièrement. On n’a qu’à penser au choléra, une maladie infectieuse provoquée par la bactérie Vibrio cholerae (prononcez koléré) et qui affecte des millions de personnes chaque année dans le monde, principalement en Afrique. En absence de traitement, la bactérie se multiplie rapidement dans l’intestin suite à l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés, provoque de violentes diarrhées et peut tuer en quelques heures. Plus de 100 000 morts par année dans le monde. Je vous rappelle aussi que le paludisme, provoqué cette fois par le parasite Plasmodium falciparum, provoque des épisodes de fièvre, frissons, douleur musculaire, maux de tête et fatigue chez plus de 200 millions de personnes chaque année. Ce parasite est transmis par la piqûre d’insecte Anopheles (semblables à nos maringouins, mais n’ayez crainte, nos moustiques québécois ne transportent pas cette maladie), dont 68 espèces sont reconnues pour transmettre le paludisme aux humains. Au passage, ce parasite tue plus de 400 000 terriens annuellement, principalement dans les climats chauds et humides en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Il y a aussi la grippe, cette fameuse grippe dont on doit se méfier chaque fois que le beau temps nous quitte et que l’hiver arrive. Cette grippe saisonnière est pandémique, c’est-à-dire qu’elle infecte la population mondiale sur plusieurs continents. La grippe, la fameuse « grippe d’homme » (mais qui peut aussi affecter les femmes) et dont on se souvient toute notre vie, est une maladie virale causée par influenza virus. C’est un virus qui mute, c’est-à-dire qui se transforme à la vitesse grand V, ce qui fait que d’une fois à l’autre notre système immunitaire ne le reconnaît pas et réagit très lentement face à l’envahisseur. Cette grippe saisonnière tue environ 3 500 Canadiens (ou Canadiennes) bon an mal an, principalement nos aînés affligés d’autres maladies ou les jeunes enfants.
Alors, pourquoi on fait tout un tapage avec le SARS-CoV-2? Pourquoi pratiquement deux milliards de personnes sont confinées chez elles sur le globe? Le problème, c’est que SARS-CoV-2 est un virus inconnu et que nous n’avons pas de médicaments pour traiter les complications ou de vaccins pour en prévenir la propagation. En plus, c’est un excellent virus. Vous direz que je suis tombé sur la tête. Laissez-moi vous expliquer tout cela du point de vue d’un microbiologiste… ou plutôt mettons-nous dans la capsule du virus pour deux secondes. Le but ultime d’un virus est de se multiplier afin de propager son matériel génétique. Pour y arriver, il a besoin d’infecter un très grand nombre d’hôtes. Donc, un virus juste assez contagieux et pas trop mortel est excellent, car il peut se propager rapidement au travers d’une population vierge, c’est-à-dire qui n’a aucune défense immunitaire contre lui. Si un virus est trop mortel, il manquera d’hôtes rapidement, car toute la population sera décimée. En plus, le SARS-CoV-2 infecte très efficacement les cellules qui tapissent non seulement toute la tuyauterie qui mène vers les poumons et ces derniers, mais aussi plusieurs autres organes incluant les intestins. L’agresseur entre par le récepteur ACE2, une sorte de petit drapeau à la surface de nombreuses cellules du corps humain. Ça lui sert de porte d’entrée. Une fois à l’intérieur bien au chaud, il prend les commandes de la cellule infectée et lui ordonne de fabriquer des millions d’autres virus (des copies de lui-même quoi). Ensuite, il quitte son hôte (qui guérit et développe une immunité, donc qui n’est plus utile) et se propage par ailleurs assez facilement par des gouttelettes de salive ou de mucus lorsqu’on éternue, qu’on tousse ou qu’on se racle la gorge, par les mains et peut-être même via les matières fécales (on appelle ça transmission fécale-orale). Donc, pour se protéger, on tousse dans notre coude et on se lave les mains avec du savon avant et après notre passage aux toilettes. En résumé, le virus actuel est juste assez contagieux, car chaque personne infectée peut contaminer entre 1.5 et 4.5 personnes et moyennement létal avec un taux de mortalité d’environ 1% à 1.5% au Canada. Ces statistiques sont très difficile à évaluer, car la pandémie n’est pas encore terminée, que ça n’inclut pas les malades n’ayant pas été dépistés ou les porteurs ne présentant aucun symptôme (donc qui n’ont pas été dépistés eux non plus).
Le gros problème est que nous ne sommes pas tous égaux devant ce virus. Les aînés de plus de 70 ans, les personnes présentant de l’hypertension, du diabète de type 2, des maladies cardio-vasculaires ou des maladies pulmonaires chroniques semblent beaucoup plus à risque de complications sévères et de pneumonie, voire même d’en décéder. Et les hommes sont plus sévèrement affectés que les femmes. Que voulez-vous, nous sommes de grands sensibles!
Je me permets humblement de recommander à M. Yvon Deschamps (et à tous nos ainés) de rester chez lui le temps que passe la crise et qu’on trouve un remède efficace. J’ai même adapté le texte de M. Deschamps à la situation actuelle : « J’aime mieux être vieux et confiné que jeune et malade ».
Ne manquez pas les prochains articles de cette série qui seront mis en ligne au cours des prochaines semaines!
Mathieu Millette, Ph. D. Mcb.A. Docteur en microbiologie et membre de l’Association des Microbiologistes du Québec