Ma mère a toujours dit que « les petites bêtes ne mangent pas les grosses ». C’est vrai, mais depuis le début de l’année 2020, particulièrement depuis la fin-février en ce qui concerne nos contrées occidentales, des organismes invisibles font plier les genoux à l’humanité.

Ces micro-organismes sont des virus. Un virus, c’est très simple. C’est constitué d’une capsule, de quelques protéines et de matériel génétique. Son objectif : se multiplier et transmettre ses gènes en envahissant le plus de cellules. Le virus qui nous préoccupe en ce moment s’appelle SARS-CoV-2 (au début, il avait été nommé nCoV-2019). C’est un cousin éloigné du SARS-CoV, celui qui avait frappé en 2002 en provoquant 774 décès. C’est aussi un petit-cousin du MERS-CoV qu’on connait depuis 2012. Ce dernier se serait initialement transmis aux humains par des chameaux et principalement dans la région du Moyen-Orient. Je sais, je vous entends, c’est quoi ces noms bizarres avec des lettres et des chiffres? Les taxonomistes (scientifiques qui établissent les principes de la nomenclature des organismes vivants) ne sont pas particulièrement reconnus pour leur créativité. Les noms qu’ils attribuent sont plutôt descriptifs. Par exemple, coronavirus est le genre (une sorte de groupe) auquel appartient SARS-CoV-2. Il a été nommé ainsi parce que lorsqu’on le regarde au microscope, il est rond et entouré d’une « couronne » de protéines (une petite recherche sur Dr Google image vous convaincra). Et puis SARS est l’abréviation du nom de la maladie causée par le virus, ça signifie « Severe Acute Respiratory Syndrome » ou syndrome respiratoire aigu sévère en français (SRAS). CoV est tout simplement le diminutif du mot coronavirus. Donc, au final, SARS-CoV-2 est simplement le deuxième coronavirus à causer des symptômes typiques du SRAS. Ce virus cause une maladie qu’on appelle la maladie du coronavirus ou en anglais « COVID-19 » pour coronavirus disease-19; 19 parce que la maladie a été détectée en 2019.

Les virus sont un regroupement d’êtres microscopiques qui sont à la frontière du vivant et du non-vivant, en ce sens qu’ils ont absolument besoin d’un hôte (en l’occurrence des cellules vivantes, humaines, animales, végétales ou même bactériennes) pour se multiplier. D’ailleurs, vous ne tuez pas les virus avec votre artillerie de gel hydro-alcooliques, de savon de Marseille et d’eau de Javel, mais vous les inactivez. Des virus, il y en a beaucoup autour de nous et en nous. Un scientifique de l’Université de la Colombie-Britannique estime que dans les océans seulement, il y aurait 10 millions de fois plus de virus qu’il y a d’étoiles dans l’Univers! De plus, on rapporte qu’il y a 400 000 milliards de virus à l’intérieur de chaque humain! Ce sont des chiffres impressionnants et qui donnent le vertige, surtout si on multiplie cette quantité par le nombre d’habitants sur Terre. Heureusement, la plupart des virus ne causent pas de maladies aux humains; ils s’attaquent majoritairement aux bactéries. Les virus pathogènes (ceux qui causent des maladies) sont en fait une exception, comme notre SARS-CoV-2. D’ailleurs, selon les connaissances actuelles, ce virus aurait comme hôte initial (ou réservoir) la chauve-souris. SARS-CoV-2, et de nombreux autres coronavirus, résident en harmonie sur la chauve-souris. L’augmentation de la population sur Terre et notre proximité grandissante avec les animaux augmentent les chances que des virus adaptés aux chauves-souris s’adaptent à un nouvel hôte, en l’occurrence l’humain. Et lorsque le virus acquiert la capacité de passer d’un humain à un autre humain et bien, on est à deux doigts d’une catastrophe sanitaire, c’est-à-dire ce que nous vivons collectivement.

Depuis quelques semaines, je parle beaucoup à ma mère, mais seulement par téléphone. Je ne la visite plus pour sa propre sécurité. Je m’ennuie d’elle. Cette pandémie m’aura fait prendre conscience combien il est important d’apprécier l’instant présent et de profiter de la présence de nos proches pendant qu’ils sont toujours là. Ma mère continue pourtant de dire que les petites bêtes ne mangent pas les grosses. Maintenant, je lui réponds : « c’est vrai maman, mais parfois, elles ont le potentiel de provoquer l’apocalypse sur Terre. »

 

Mathieu Millette, Ph. D. Mcb.A. Docteur en microbiologie et membre de l’Association des Microbiologistes du Québec