Les chercheurs ont récemment découvert une facette majeure de la vitamine D. Il s’agit de son action modulatrice sur le système immunitaire. Pourtant, sa contribution à la santé ne date pas d’hier. Autrefois, la saison froide signifiait le retour de la cuillère d’huile de foie de morue. Un remède bien savoureux! C’est bien avant l’utilisation des antibiotiques que cette potion préventive riche en vitamine D contre les infections hivernales circulait dans nos familles, mais aussi dans les sanatoriums de l’époque pour soigner la tuberculose et la consomption.
Carence en vitamine D
Au cours des dernières décennies, plusieurs études ont démontré qu’une carence en vitamine D représentait un facteur de risque pour diverses maladies, dont l’ostéoporose et la dépression saisonnière. Depuis, des études épidémiologiques ont démontré de fortes associations entre les variations saisonnières des taux de vitamine D et l’incidence de diverses maladies infectieuses, dont les infections respiratoires et la grippe. En effet, chez les personnes ayant une carence documentée en vitamine D, la réponse immunitaire serait affaiblie ou anormale, les rendant d’office plus susceptibles d’être victimes des flambées épidémiques saisonnières et de développer un degré accru de symptômes respiratoires graves.
Rapide survol du système immunitaire
Le rôle principal du système immunitaire est d’assurer l’intégrité de l’organisme. Il travaille à éliminer les substances perçues comme étrangères, aussi appelées « antigènes » (micro-organismes, cellules anormales, débris) tout en assurant la tolérance des différentes structures qui nous appartient.
Le système immunitaire est composé de deux types de défenses : innées et adaptatives. Représentant la première ligne de défense contre les antigènes, l’immunité innée est composée de barrières naturelles (peau, muqueuses et microbiotes, sécrétions tissulaires telles que la salive, sueur, sébum, acide chlorhydrique de l’estomac), de mécanismes inflammatoires (fièvres, cytokines), de production de substances antimicrobiennes et de fonctions de nettoyage (phagocytose). Cette réponse reste identique, et ce, peu importe le type d’antigène qui reste en dehors des cellules de l’organisme. Alors que l’immunité adaptative agit en second plan. C’est lorsque l’antigène pénètre à l’intérieur des cellules que l’immunité adaptative donnera une réponse spécifique à cet antigène en créant des anticorps (protéines spéciales qui neutralisent les antigènes). Une fois que l’anticorps est créé, il reste en mémoire dans notre organisme. C’est ce que l’on appelle l’immunisation. C’est le principe de base visé par la vaccination.
Rôles et caractéristiques de la vitamine D
La vitamine D peut être inactive ou active (aussi nommée calcitriol). Récemment, nous avons découvert que les reins ne seraient pas les seuls organes activateurs, mais que les cellules immunitaires représenteraient également des joueurs importants. Directement sur le site de l’infection, ces cellules renforceraient leurs actions en changeant les précurseurs de la vitamine D sous leur forme biologiquement active. Lorsqu’activé, le calcitriol se lie à son récepteur (retrouvé également dans ces mêmes cellules immunitaires) et déclenche une cascade d’événements issus à la fois de l’immunité innée et de l’immunité adaptative, dont l’augmentation des sécrétions antimicrobiennes, la production de protéines antivirales, l’activation des cellules éliminatrices, la création et la libération d’anticorps, la modulation de la réponse inflammatoire (ni trop ni moins) et la réparation des tissus lésés. Ces actions nous montrent bien l’importance de la vitamine D pour assurer une défense immunitaire énergétique.
Voici des fonctions utiles liées à la vitamine D :
- Réduction de la perméabilité pulmonaire aux envahisseurs;
- Modulation à la baisse de facteurs inflammatoires nocifs pouvait causer un rétrécissement des bronchioles;
- Renforcement musculaire (dont les muscles intercostaux sollicités lors d’infections respiratoires);
- Amélioration du volume maximal d’air expiré (capacité pulmonaire);
- Induction de la mort des cellules infectées (apoptose);
- Synthèse de radicaux libres visant à déstabiliser l’intrus.
En présence d’un virus
Lors d’une infection virale, ce n’est pas le pathogène qui détermine de la gravité clinique ou du risque de mortalité associés aux maladies (ex. : grippe, Covid-19), mais bien l’exubérance de la réponse immunitaire de l’organisme. Le SRAS-CoV-2 produit un fort dysfonctionnement du système immunitaire qui crée une réponse inflammatoire intense et la mise en place d’une affection potentiellement mortelle; SLC (syndrome de libération de cytokines inflammatoires). La dérégulation des réponses protectrices du système immunitaire ainsi que l’induction d’activités inefficaces dans différents types de cellules immunitaires peuvent mener au syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), principalement chez les personnes âgées.
Un taux optimal de vitamine D permet une nette amélioration des mécanismes de défense, l’atténuation de la gravité de l’infection, la réduction de la convalescence et de favoriser la qualité de vie. Ces bénéfices poussent alors plusieurs chercheurs à considérer l’utilisation de la vitamine D comme un adjuvant stratégique aux autres thérapeutiques utilisées actuellement. Au cours de la première vague de COVID-19, une corrélation inverse entre les concentrations sanguines de vitamine D et la sévérité de la maladie est d’ailleurs ressortie comme significative dans plus de 20 pays.
Des données épidémiologiques montrent que, par rapport aux plus jeunes ou les gens en meilleure santé, les personnes âgées ou chroniquement malades ont un risque plus élevé de décès après avoir été infectées par le SRAS-CoV-2. En fait, ces personnes présentent un affaiblissement chronique de la réponse immunitaire induit par des dysfonctionnements qualitatifs / quantitatifs des différents intervenants issus à la fois de l’immunité innée et de l’immunité adaptative. Ceci se traduit par un déséquilibre en faveur des cytokines pro-inflammatoires (IL-1α, IL-2, IL-6, IL-8, IL-12, IFN-γ) par rapport aux anti-inflammatoires (IL-1 Ra, IL-4, IL-10, TGF-β), ce qui fragilise constamment leur condition immunitaire. Ce phénomène est amplifié au contact du SRAS-CoV2 et peut mener à une tempête cytokinique. Cette dernière prend place à la fois dans le sang et dans les poumons des personnes infectées. La tempête cytokinique est la forme la plus sévère du syndrome de libération de cytokines mentionné plus haut. Plus la tempête est forte, plus la maladie est alarmante et les lésions pulmonaires préoccupantes.
Par conséquent, la régulation de la réponse inflammatoire exagérée observée au cours de l’infection par le SRAS-CoV-2 représente un élément clé dans la stratégie pour contrer le virus et prévenir ses effets potentiellement mortels. Or, une carence en vitamine D est associée à des niveaux plus élevés de cytokines pro-inflammatoires, suggérant qu’un statut adéquat de cette vitamine pourrait contribuer à limiter leur synthèse et donc atténuer le sérieux de l’infection virale. La vitamine D exerce également une action réparatrice des tissus alvéolaires pulmonaires (avec la contribution de la vitamine A). Puisqu’environ 20 % des personnes atteintes de la COVID-19 développent une pneumonie interstitielle accompagnée de lésions sévères, l’ajout de la vitamine D à l’arsenal thérapeutique classique semble, jusqu’à ce jour, favorable.
Les dernières années ont apporté un changement radical dans notre perspective sur la façon dont la vitamine D influence la santé. Les répercussions d’une carence en vitamine D sur le système immunitaire (inné et adaptatif) sont devenues plus claires. Dans une telle situation, il semble y avoir une susceptibilité accrue aux infections et une prédisposition à la flambée inflammatoire toxique. Plusieurs études appuient l’hypothèse selon laquelle la suffisance en vitamine D contribue à des fonctions immunorégulatrices et une réponse immunitaire équilibrée, particulièrement dans un contexte d’infection respiratoire d’origine virale. En ces temps de pandémie, l‘état des connaissances actuelles sur la vitamine D nous permet de croire que son statut sanguin représente l’un des facteurs qui influencent notre combativité face à la maladie.
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