Tiré du chapitre 8 ‘’Déprescription’’ du livre ‘’Vivre jeune DEUX fois plus longtemps’’.

Il est bien connu que statistiquement, plus les personnes vieillissent, plus elles consomment de médicaments. Pour donner un ordre de grandeur, passé 65 ans, la majorité des patients (deux Canadiens sur trois) consomment cinq médicaments différents ou plus par jour, et 40 % des patients de 85 ans et plus en consomment 10 ou plus par jour. On estime qu’entre 30 et 40 % des patients de plus de 65 ans consomment au moins un médicament inutile ou inapproprié.

L’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (APES) a mené une analyse auprès de 4317 résidents dans 34 CHSLD de six régions de la province. Conclusion : chaque résident de ces centres a en moyenne 14 ordonnances différentes de médicaments. Est-ce normal de consommer autant de médicaments, alors que ces mêmes patients sont à un moment de leur vie où ils subissent de nombreux changements physiologiques et pharmacocinétiques, qui augmentent les risques associés à l’usage des médicaments?

C’est le sujet dont nous allons discuter dans cet article. En 2024, 20.1 % de la population canadienne aura plus de 65 ans. Le vieillissement, sans être une pathologie en soi, amène une déficience de plusieurs systèmes qui, cumulativement, augmente la fragilité et la vulnérabilité de l’individu. Le monde médical a-t’il vraiment adapté sa manière de prescrire en conséquence? La situation est pour le moins préoccupante et des interventions sont nécessaires.

Il est important de mentionner que la déprescription existe et il s’agit même d’une pratique standard dans certains CHSLD.

Elle pourrait être mieux utilisée si les patients (et certains professionnels de la santé aussi…) étaient mieux informés des inconvénients reliés à la prise de médicaments, et surtout, sensibilisés au fait que des changements physiologiques survenant au fil du temps sont susceptibles de changer les effets des médicaments sur leur santé.

Les effets du vieillissement

On comprendra que le vieillissement engendre énormément de changements chez l’individu : changements de poids, diminution des neurotransmetteurs, changements hormonaux, modification de la structure du sommeil, affaiblissement du système immunitaire, fatigue plus ou moins chronique, diminution de l’endurance, perte d’acuité visuelle, retrait de la vie sociale, sans parler des problèmes cognitifs et des difficultés de concentration.

La personne vieillissante s’en trouvera fragilisée. Il devient donc évident que l’effet des médicaments en sera altéré. En fonction des facteurs énumérés précédemment, on peut facilement penser à des changements à propos de l’absorption des médicaments (qui en général sera retardée ou diminuée), la distribution (modifiée), le métabolisme (diminué) et l’élimination (diminuée).

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a même décrit un « syndrome gériatrique », incluant notamment :

  • Incontinence urinaire ;
  • Insomnie ;
  • Déficits sensoriels ;
  • Perte de poids et anorexie ;
  • Fatigue ou faiblesse ;
  • Confusion ;
  • Chutes.

Il est donc logique de conclure à la possibilité que l’usage d’un médicament, auparavant efficace et approprié, doive être réévalué au fur et à mesure que le patient vieillit, possiblement avec une dose à la baisse, ou même doive être arrêté chez certaines personnes. Il peut arriver qu’avec l’apparition de nouveaux problèmes de santé ou le simple vieillissement naturel, un médicament auparavant parfaitement justifié puisse dorénavant causer plus de tort que de bien.

Il est crucial pour les professionnels de la santé de chercher à optimiser l’usage des médicaments, et la déprescription ciblée doit faire partie du processus autant que la prescription. Dans deux prochains articles, nous vous parlerons des cascades médicamenteuses, comment les éviter, et de la déprescription avec le point de vue du médecin, Dr Jacques Lambert. En attendant, n’hésitez-pas à poser des questions à votre pharmacien ou votre médecin sur les raisons et les fonctions de vos médicaments.