Tiré du livre Vivre jeune DEUX fois plus longtemps, écrit par Dr Jacques Lambert, MD, coauteur.

Pas surprenant si vous êtes perplexe en regard cette hormone que l’on dit essentielle à la vie, mais qui peut aussi engendrer de sérieux problèmes si elle est constamment sécrétée, et en trop grande quantité. C’est le paradoxe de l’insuline, car elle est essentielle à la vie, mais elle peut aussi devenir un facteur de vieillissement accéléré, particulièrement quand on parle de résistance à l’insuline. Il se crée un cercle vicieux chez les diabétiques qui accélère le vieillissement à cause des dépôts lipidiques dans tous les organes vitaux. Voici quelques faits qui pourront vous éclairer.

Les dangers des sucres raffinés

Quand vous consommez des hydrates de carbone (nom scientifique des sucres complexes) – appelons-les « sucres » – présents en grande quantité dans le pain, les fruits, les boissons gazeuses ou les pâtes, votre corps les transforme en une forme de sucre plus simple appelé glucose, lequel circule dans votre sang. Ce sucre est utilisé comme source d’énergie dans tout le corps humain. Donc, quand vous absorbez des sucres, votre taux de glucose sanguin monte. Les problèmes surviennent quand il monte trop rapidement après la prise de sucres raffinés ou d’hydrates de carbone qui ne proviennent pas des produits de grains entiers. Votre corps négocie avec le glucose comme si c’était une substance indésirable et le pancréas vient à la rescousse en sécrétant de l’insuline, une hormone qui détermine d’où on tire notre énergie, c’est-à-dire d’où vont provenir les calories.

Quand on sécrète de l’insuline, on brûle le sucre et non le gras. Si le sucre demeure élevé dans le sang, on parle alors de diabète. L’insuline vous sauve la vie en sortant le sucre de votre sang, en permettant son transport dans les cellules afin qu’il soit métabolisé (brûlé) pour fournir de l’énergie et que vous puissiez marcher, courir, faire du vélo. Mais cela est la dernière bonne chose que fait l’insuline.

Les sucres et le poids

Les problèmes surviennent quand l’insuline est constamment sécrétée en trop grande quantité, par exemple en présence de résistance à l’insuline. La résistance à l’insuline est causée par son utilisation trop fréquente ou en trop grande quantité. Elle perd alors son efficacité et il en faut beaucoup plus pour permettre au sucre d’entrer dans les cellules et servir de source d’énergie. Le pancréas finit par s’épuiser à la tâche et la personne devient diabétique. Cette surproduction d’insuline peut causer beaucoup de problèmes. Parmi les mauvais impacts de la surproduction de l’insuline, mentionnons que :

  • l’insuline convertit les calories en gras, même celles provenant d’aliments sans gras.
  • l’insuline stocke les graisses surtout dans vos hanches et votre ventre, mais aussi partout ailleurs, comme dans les viscères et les organes nobles, soit le cœur et le cerveau.
  • l’insuline empêche d’utiliser les graisses comme source de carburant par les cellules. Quand vous vous entraînez intensivement, vous pensez brûler du gras, mais ce n’est pas le cas.
  • l’insuline vous garde affamé. Elle vous porte à manger plus de ces mêmes sucres qui ont amorcé le cycle de sécrétion d’insuline au départ. De là un premier cercle vicieux.

Des cercles vicieux

Outre l’effet stimulant des variations d’insuline et de glucose sanguin sur l’appétit, il existe un deuxième cercle vicieux relié à la graisse abdominale et viscérale. La prise de poids provoquée par la consommation de sucre raffiné cause une augmentation de la taille des globules de gras qui servent à emmagasiner les excédents d’énergie. Ces globules de gras plus gros attireront la venue de certaines cellules spécifiques du système immunitaire dans la masse adipeuse (les macrophages) et provoqueront la production de molécules inflammatoires. Le tissu adipeux devient alors un tissu inflammatoire qui va lui-même favoriser le développement de la résistance à l’insuline. Cette résistance à l’insuline fait en sorte que le sucre est emmagasiné au lieu de servir de source d’énergie, ce qui favorise le développement de cellules adipeuses de grande taille. Il s’ensuit une prise de poids facilitée et un cercle vicieux difficile à briser. Ainsi, la prise de poids facilite la prise de poids subséquente, de même que l’augmentation de l’inflammation systémique et les risques de maladies cardiaques, d’arthrose, de diabète de type II.

Et ça ne s’arrête pas là. L’insuline est aussi le dénominateur commun derrière plusieurs maladies débilitantes, comme l’Alzheimer et plusieurs autres maladies dégénératives.

Réduire les niveaux d’insuline est la clé pour perdre du gras et donc trouver et maintenir notre poids santé. Pour être en meilleure santé et vieillir moins vite, il faut manger le moins possible de sucre, en premier lieu le sucre raffiné et les produits des farines blanchies. Ce ne sont donc pas les graisses, mais bien les sucres raffinés et farines blanchies qu’il faut bannir en premier.

Le pain et les pâtes alimentaires de grains entiers

Une étude de la Fédération américaine de cardiologie a récemment créé de la controverse en rapportant que les gens qui mangent « sans gluten » présentent des niveaux de risque de diabète de type II plus élevés. Pourtant, ces personnes consomment moins de sucre. La raison semble être les bénéfices associés aux grains entiers. Les produits de grains entiers contiennent beaucoup de fibres, mais aussi d’autres molécules bénéfiques pour la santé qui sont retirées des farines blanches.

Les trois points suivants sont importants à connaître concernant les grains entiers :

  1. la consommation de produits de grains entiers a aussi un effet sur la satiété ; elle réduit l’appétit et les gens mangent moins;
  2. les produits de grains entiers ne provoquent pas la montée rapide du glucose sanguin telle qu’observée avec les produits de farines raffinées et donc, ils ne stimulent pas la surproduction de l’insuline;
  3. les produits de grains entiers contiennent une grande quantité de nutriments, de vitamines et minéraux qui protègent du développement du diabète de type II.

Ainsi, manger des produits de grains entiers préviendrait le développement du diabète de type II, mais la clé réside aussi dans une alimentation équilibrée riche en légumes.

Tout est une question d’équilibre

L’excès d’insuline est le problème. Et consommer des sucres raffinés fait grimper le taux d’insuline. Couper les sucres va diminuer la sécrétion d’insuline, et c’est ça la solution.

Les sucres raffinés sont les pires, car ils libèrent rapidement une décharge de glucose dans le sang et dès lors qu’ils se trouvent dans votre tube digestif, ils propulsent la sécrétion d’insuline qui freine l’utilisation des graisses. Les « bons » sucres, comme ceux contenus dans les grains entiers, sont aussi appelés « complexes », car ils constituent des structures des plantes et ça prend plus de temps pour les scinder en glucose, d’où un relâche moins rapide d’insuline, comparativement aux sucres d’une boisson gazeuse (contenant huit cuillerées à thé de sucre… en passant).

Mais si l’on se place en perspective de perdre du poids, les « bons » sucres peuvent aussi être considérés comme ennemis, car eux aussi vont quand même augmenter la sécrétion d’insuline. Les meilleurs sucres sont les moins nuisibles et on les retrouve dans les verdures, spécialement les feuilles : kale, chou, épinards, etc.

  1. Elles sont constituées majoritairement d’eau.
  2. Elles sont faibles en sucres.
  3. Le peu de sucre qu’elles contiennent est lié à de la cellulose, de sorte qu’on les digère lentement et pas totalement.

Digérer les plantes

Cela explique pourquoi toutes ces verdures sont excellentes pour les diabétiques. La cellulose est la partie structurale d’une plante. Elle rend le céleri rigide et donne du tonus aux betteraves. Extraire les nutriments des verdures demande de digérer la cellulose, mais cela implique d’avoir de la cellulase, une enzyme que les humains n’ont pas, contrairement aux herbivores. Certains nutriments des plantes sont emprisonnés dans la cellulose. Par exemple, malgré le haut taux de vitamines que contient le kale, nous n’y avons pas complètement accès.

On peut éviter la faim de deux façons : s’empiffrer jusqu’à satiété de produits sucrés et devenir obèse ou manger plus de légumes et pratiquement pas de sucres raffinés et ne pas engraisser. Le gras n’est donc pas votre ennemi ! Quand vous limitez votre consommation de gras à 50 grammes ou moins par jour – par exemple une tranche de pain de grains entiers et une banane – et que vous remplacez les sucres raffinés par de bonnes graisses animales ou végétales, comme les noix, les avocats, la noix de coco, les olives (l’humain est omnivore, n’oubliez pas !), vous obtiendrez vos calories des graisses corporelles déjà emmagasinées. Le métabolisme des graisses libère des cétones et celles-ci coupent la faim (d’où la provenance des diètes cétogéniques qui coupent la faim et permettent de maigrir). Il faut tout de même faire attention et ne pas tomber dans les extrêmes : pour certaines personnes, ces diètes peuvent causer des problèmes de santé graves. Il est toujours recommandé de consulter un(e) nutritionniste.

Le sucre et le vieillissement

Outre la prise de poids corporel, théoriquement et selon les modèles animaux, la consommation de sucre raffiné accélère le vieillissement. Les voies métaboliques du vieillissement sont intimement reliées aux voies métaboliques de la croissance et du développement. Chez tous les organismes vivants, la consommation de sucre accélère le développement. Cela permet à un organisme vivant ayant accès à une bonne source d’énergie de se développer rapidement et de se reproduire. Étant donné que le vieillissement est aussi causé, en grande partie, par la poussée inutile du développement après l’âge adulte, le sucre accélère aussi le vieillissement.

Et les faux sucres dans tout ça?

Des études récentes ont démontré des liens entre la consommation de boissons sucrées sans sucre et les risques de diabète de type II. Ces boissons faciliteraient aussi la prise de poids, à consommation calorique égale. Bien que les mécanismes en cause ne soient pas clairement établis, il est facile de proposer l’hypothèse que de tromper le cerveau n’est pas une bonne idée. Quand nous consommons des produits sucrés sans sucre, nous cherchons à envoyer le message au cerveau que nous consommons du sucre, sans qu’il apparaisse en circulation sanguine. Normalement, le corps devrait répondre à ce message par une augmentation de la production d’insuline, laquelle augmente les risques de diabète de type II et la facilité à prendre du poids. Ainsi, tous les types de « sucré sans sucre », naturels ou chimiques, sont à proscrire.

 

 

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