Dernièrement, je suis tombé sur un texte qui mentionnait que le jeûne n’est pas un outil thérapeutique. Eh bien, c’est faux. Le jeûne peut être un outil thérapeutique, mais il peut aussi faire partie des saines habitudes de vie sans qu’il soit question de traitement ou de protocole.

Son usage thérapeutique fut popularisé au cours des dernières années, par un médecin de Toronto, le Dr Jason Fung. Après avoir terminé ses études de médecine, il a complété une spécialisation en néphrologie en Californie. Sa spécialisation en néphrologie, la médecine des reins, l’a amenée à soigner des patients obèses et diabétiques avec des médicaments ou de la chirurgie bariatrique. Cherchant un moyen de les faire maigrir et de leur permettre de maintenir leur poids et leur glycémie durablement, il s’est intéressé au jeûne. Il a donc étudié les effets biologiques du jeûne, les applications cliniques et il a décidé de commencer à le prescrire. Son livre, Le guide complet du jeûne, est né de ses recherches d’informations, mais surtout, de son expérience clinique.

Il est donc possible d’utiliser le jeûne comme outil thérapeutique, entre autres les jeûnes prolongés sous supervision médicale, mais aussi, de l’intégrer à vos habitudes de vie comme un moyen de contrôle du poids corporel et de longévité accrue. Dans mon sixième article sur le jeûne, je vais vous parler :

  1. de son lien avec les recherches sur la longévité,
  2. le jeûne d’un point de vue biologique,
  3. du développement de la flexibilité métabolique,
  4. des mimétismes naturels qui peuvent améliorer ces processus bénéfiques,
  5. de l’intégration du jeûne aux habitudes de vie et
  6. de mon expérience personnelle des deux dernières années, sans traitement ni protocole.

1. Le lien entre les recherches sur la longévité et le jeûne.

Le jeûne provoque des changements métaboliques qui sont bénéfiques, mais saviez-vous qu’ils sont directement reliés au processus du vieillissement primaire? Il permet à la fois d’améliorer la réparation cellulaire et de ralentir le vieillissement. Un des plus prestigieux journaux scientifiques dans le monde de la médecine a même récemment publié sur le sujet. Je vais y revenir.

Mon domaine est la recherche sur la longévité cellulaire et les saines habitudes de vie associée au vieillissement en santé; comment faire pour garder nos capacités le plus longtemps possible? Plusieurs chercheurs en recherche fondamentale sur le jeûne sont aussi des chercheurs sur le vieillissement primaire parce que les mêmes mécanismes y sont reliés.

Un exemple intéressant, en lien avec l’article que je vous ai mentionné, ce sont les chercheurs Rafael de Cabo et Mark P. Mattson. Deux chercheurs de l’Institut national du vieillissement, une division des National Institutes of Health des États-Unis, qui sont à l’origine de l’article de revu qui fut publié en décembre 2019 dans le New England Journal of Medecine. Pourquoi est-ce si important ?

Le New England Journal of Medicine (NEJM) est l’un des plus importants périodiques médicaux:

« Notre mission est d’apporter aux médecins les meilleures recherches et informations dans le domaine de la science biomédicale et de la pratique clinique et de présenter ces informations dans des formats compréhensibles et cliniquement utiles qui éclairent la prestation des soins de santé et améliorent les résultats pour les patients ».

Pour publier dans cette revue scientifique, il faut être considéré comme une sommité dans son domaine et apporter des informations qui sont utiles pour la pratique de la médecine. Il s’agit donc d’une démonstration éloquente que le jeûne peut être considéré comme une approche thérapeutique.

2. Le jeûne d’un point de vue biologique.

Le jeûne, c’est tout à fait naturel et ce fut surement omniprésent durant l’évolution humaine. Il est évident que l’être humain ne mangeait pas trois repas par jour en plus de deux collations à l’époque de l’homme des cavernes. Nous avons évolué pendant des milliers d’années avec l’objectif journalier de trouver de la nourriture pour réussir à survivre. Nous avons simplement à penser aux émissions de télévision qui mettent dans la nature des spécialistes de la survie en forêt, durant 3 semaines, avec seulement un couteau et un récipient pour la cuisson. Ils perdent entre 10 et 15 kilos habituellement parce qu’ils ne sont pas capables de manger suffisamment. Ainsi, l’être humain n’a surement pas évolué dans l’abondance.

Et donc, nous avons développé des mécanismes reliés au jeûne durant l’évolution. Qu’est-ce qui se passe d’un point de vue biologique? Le corps va premièrement s’adapter au manque de glucose en brulant les réserves de glycogène du foie (12 à 24 heures selon la demande énergétique). Il va commencer à produire du glucose à partir d’autres sources comme les protéines ou les graisses; ce que l’on appelle la néoglucogenèse. Ce qu’il y a de plus intéressant, c’est l’induction des mécanismes de recyclage (l’autophagie) et de réparation cellulaire (dont la réparation de l’ADN).

Le corps, qui comprend qu’il va manquer d’énergie, démarre l’utilisation des réserves énergétiques et tous les mécanismes de maintenance et de réparation pour être en mesure de traverser une période difficile. Il va aussi ralentir la poussée de l’organisme à vieillir. Réparer plus et vieillir moins; biologiquement parlant, le jeûne vous garde plus jeune, plus longtemps.

3. Le jeûne et la flexibilité métabolique

Ici, c’est une question d’épigénétique. L’épigénétique est la science de la régulation des gènes. C’est donc ce qui va être lu de notre génétique et la fréquence de cette lecture. Par exemple, une personne qui fait beaucoup d’activité physique à de meilleures capacités antioxydantes, car l’activité physique génère de l’oxydation et avec la fréquence, le corps va continuer à produire les antioxydants en plus grande quantité, même au repos.

Pour le jeûne, ce sont les gènes de régulation de l’utilisation des graisses comme source d’énergie, et d’autres sources comme les protéines, qui seront plus facilement accessibles. C’est un peu comme un livre de recettes qui contient votre recette préférée. Si vous la faite souvent, vous allez conserver le livre à portée de main, peut-être même ouvert à la bonne page, dans la cuisine. Le jeûne va permettre une plus grande efficacité à utiliser les graisses en maintenant la machinerie et l’information nécessaire sur place. Ça permet donc une plus grande efficacité énergétique. Je vais y revenir avec mon propre exemple.

4. Les mimétismes qui peuvent aussi améliorer le métabolisme (Vitoli Bien vieillir)

Il existe aussi des molécules qui peuvent améliorer le métabolisme énergétique et stimuler les mécanismes de maintenance et de réparation. Nous les appelions, depuis 20 ans environ, les mimétismes de la restriction calorique (parce que c’est à partir de la restriction calorique que les nombreux effets bénéfiques ont été identifiés). Toutefois, leurs multiples effets à ralentir le vieillissement primaire, la poussée de l’organisme à vieillir, ont fait en sorte que nous les appelons maintenant les agents gérosuppresseurs; des suppresseurs du vieillissement. Parce que oui, en passant, le manque d’énergie, le jeûne ou la restriction calorique réduisent la poussée de l’organisme à vieillir, ce que nous appelons le vieillissement primaire.

C’est mon domaine de recherche et nous avons un important programme avec l’Université Concordia supporté par le Conseil de Recherche en Science Naturelle et en Génie du Canada. Je suis très fier de vous mentionner que les meilleurs agents gérosuppresseurs connus actuellement sont dans un produit que j’ai moi-même développé et que vous pouvez trouver dans environ 2000 points de vente au Québec, dont toutes les grandes pharmacies et beaucoup de magasins d’aliments naturels. Il s’appelle : VitoliMD Bien vieillir.

5. Intégration du jeûne aux habitudes de vie

Pour intégrer le jeûne à vos habitudes de vie, c’est plus facile que vous pourriez l’imaginer. Le premier pas à faire est de réaliser que nous sommes conditionnés à manger à certains moments de la journée. Vous aurez donc plus faim à midi parce que vous êtes habitué de manger à midi. Un des meilleurs trucs est de consommer un bouillon d’os lorsqu’arrive le temps du repas afin de faire quelque chose de différent qui va venir aider à répondre au besoin du conditionnement. En y allant graduellement, vous aurez de plus en plus de faciliter à faire des périodes de plus en plus longues.

6. Mon expérience personnelle

J’ai toujours eu une grande facilité à ne pas déjeuner, donc c’est facile, on se rend au dîner. Au dîner, j’ai remarqué que si j’attends jusqu’à 14h00, je vais facilement me rendre au souper. J’ai donc sauté le dîner environ 2 fois par semaine durant plusieurs semaines pour, par la suite, le faire 3 ou 4 fois par semaine. Maintenant, c’est à raison de 5 fois par semaine.

Après un an, j’ai remarqué que je suis capable de m’entraîner sans avoir mangé de la journée. Je n’aurais jamais été capable auparavant. J’aurais eu des étourdissements dus à la baisse du glucose sanguin. C’est ce que l’on appelle une plus grande flexibilité métabolique. J’ai entraîné mon corps à puiser plus facilement dans les différentes réserves énergétiques. Il est toutefois important d’y aller graduellement et de prendre le temps de s’adapter à ne pas manger.

 

 

Références:

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