Quel drôle de concept; des mécanismes cellulaires qui digèrent des partis de nos propres cellules. Pourtant, ces mécanismes « d’autodigestion » sont cruciaux et intimement reliés à la longévité en santé. Leur rôle est de permettre de (1) réorienter une partie des ressources disponibles ou encore, de (2) désengorger une cellule encombrée par des protéines ou organites (structures de la cellule qui ont différentes fonctions) qui ne sont plus fonctionnelles. Si l’on fait une analogie avec une usine, l’autophagie peut ainsi (1) récupérer des matériaux inutilisés ou peu utilisés pour les rendre disponibles à une autre section de l’usine. Ces mécanismes de digestion, de recyclage, peuvent aussi (2) récupérer des matériaux ou des appareils endommagés afin de les recycler dans de nouvelles machines qui seront disponibles pour cette usine.
Le plus intéressant est que ces processus sont essentiels à la vie, ils ont une grande implication dans le développement, la défense contre le cancer, dans la longévité en santé et ils peuvent être induits par le jeûne, l’activité physique, l’alimentation ou les suppléments.
Recycler pour s’adapter
La biologie est grandement basée sur l’optimisation de l’usage des ressources pour permettre aux espèces de perdurer. Ainsi, une des grandes lois de la biologie est que ce qui ne sert pas, disparaît. Par exemple : si nous n’utilisons pas suffisamment nos muscles, la masse musculaire baisse. Vous êtes-vous déjà demandé comment c’est possible ? Pourquoi le corps ne garde-t-il pas la masse musculaire inutilisée ? C’est que durant l’évolution, l’accès aux ressources de façon suffisante était un défi de tous les jours. Afin de permettre une adaptation fine à nos modes de vie, le corps a développé la capacité de faire croître de façon plus importante les muscles dont on a le plus besoin, tout en étant capable de réorienter les matériaux utilisés si la demande envers cette capacité musculaire baisse. Il s’agit d’un fin système d’adaptation, qui fonctionne à merveille lorsque l’on est jeune. L’autophagie, c’est le même principe, pour tout ce qui est du recyclage et des appareils endommagés des cellules.
Trois modes de fonctionnement adaptés aux besoins
Il existe principalement 3 types d’autophagie : la macroautophagie (macro = grossière; pour les gros besoins) la microautophagie (pour les petits recyclages) et l’autophagie reliée à l’usage des chaperons moléculaires (des protéines ayant le rôle de réparer d’autres protéines et si elles ne réussissent pas, les protéines endommagées sont dégradées par autophagie).
Pour la microautophagie, les petites composantes à recycler sont dirigées vers le lysosome et sont directement digérées par une forme d’invagination de la membrane lysosomale. Le lysosome est un organite cellulaire qui sert à digérer une forme d’estomac ou de broyeur à déchet. La microautophagie est considérée comme étant le principal type d’autophagie responsable du renouvellement des organites et des protéines dans toutes les cellules. Elle sert aussi à réorienter certaines ressources. Par exemple, lorsqu’il y a une carence en acides aminés, les protéines cytosoliques, présentent dans la cellule, sont détruites par ce type d’autophagie pour récupérer les acides aminés essentiels.
La macroautophagie est l’un des types d’autophagie le plus étudié et il est lié à plusieurs maladies chez l’humain. Ce type de recyclage considère habituellement des composantes comme des organites endommagés ou des protéines mal repliées, comme la microautophagie, mais il incorpore l’agrégation des protéines dans son mécanisme de transport pour effectuer de grandes dégradations. Comme la micoautophagie, elle fonctionne aussi avec des mécanismes sélectifs et non sélectifs. La macroautophagie crée un phagophore qui, une fois complété, est appelé l’autophagosome, qui entoure le composant à recycler (ce que l’on appelle une cargaison cytoplasmique/autophagique) qui sera envoyé au lysosome pour élimination. Nous pourrions faire un parallèle avec les camions qui récupèrent nos matériaux recyclables. Ce sont des véhicules de transport qui prennent les matériaux endommagés de l’appareil de récupération (les lysosomes). Cet autophagosome est une vésicule à double membrane qui fusionne avec la membrane du lysosome afin d’expulser ces composantes pour les éliminer.
Les chaperons moléculaires
L’autophagie provoquée par une protéine chaperon fonctionne très différemment des deux autres types. Les protéines chaperon servent à réactiver des protéines mal repliées. On pourrait définir le chaperon un peu comme une personne qui aurait pour objectif de surveiller/superviser quelque chose. S’il ne réussit pas à rendre la protéine à nouveau fonctionnelle, il y restera attaché pour former un complexe d’identification et il engendrera sa récupération pour être recyclé.
Un complexe chaperon est nécessaire afin d’identifier les protéines solubles à apporter au lysosome pour la destruction. Celles-ci travaillent seulement avec des mécanismes sélectifs qui sont beaucoup plus complexes puisque les protéines chaperons (comme les protéines à choc thermique) sont reconnues par un récepteur lysosomique (protéine membranaire lysosomique), qui travaillent ensemble, dans plusieurs cas, pour le recyclage. C’est comme si un employé d’un concessionnaire automobile usagé avait identifié celles qui pouvaient être détruites afin de réutiliser les pièces de métal et qu’il avait alors donné le signal « de les détruire ».
L’autophagie par chaperons moléculaires est toutefois très intéressante d’un point de vue santé humaine parce qu’elle pourrait permettre d’orienter le recyclage spécifique de certaines protéines. Par exemple, les protéines impliquées dans la maladie d’Alzheimer.
Nous pourrions en présenter un 4e type relié à des fonctions spécifiques comme l’autophagie des mitochondries (la mitophagie), des lipides cellulaires (lypophagie) ou des corps étrangers comme les virus et les bactéries (exophagie).
Vieillir parce que l’on accumule des équipements endommagés
D’où vient le lien entre le vieillissement et l’autophagie si celle-ci sert au recyclage cellulaire? L’autophagie fait partie de ce que l’on appelle les mécanismes de maintenance et de réparation. Ces mécanismes fonctionnent parfaitement bien lorsque l’on est jeune, mais en vieillissant leur efficacité baissent. Il y a donc le recyclage des déchets pour garder les cellules fonctionnelles en évitant l’encombrement et le recyclage nutritionnel causé par le besoin en ressources.
Ainsi, si le corps manque de ressources, il réduira la croissance et le développement par l’inhibition du MTOR (de l’anglais ‘’mechanistic target of rapamycin’’; le chef d’orchestre du développement, la plus importante voie métabolique qui pousse l’organisme à vieillir) et il stimulera l’autophagie pour essayer de récupérer les matériaux disponibles. Cela est extrêmement bénéfique parce que :
- Il freine le vieillissement et
- rend les cellules plus fonctionnelles.
Un autre exemple pertinent est l’efficacité et l’état de santé des mitochondries. Nos petites usines énergétiques intracellulaires ont la capacité de polluer nos cellules et d’augmenter le risque d’un grand nombre de maladies si leur fonctionnement est déréglé. Normalement, lorsque les mitochondries fonctionnent moins bien, leur potentiel membranaire baisse et elles laisseront s’échapper des molécules oxydatives qui peuvent causer des dommages à l’ADN ou aux protéines (de la pollution). Ce sont les mécanismes d’autophagie qui permettent de remplacer les mitochondries endommagées.
En vieillissant, l’autophagie fonctionnant moins bien, nos cellules ont tendance à devenir encombrées, à mal fonctionner et à produire des molécules oxydatives. La stimulation de l’autophagie permet de rendre les cellules fonctionnelles à nouveau, de les rajeunir. Ce processus de rajeunissement a aussi un impact important sur les mécanismes inflammatoires.
Autophagie et inflammasome
L’inflammasome est un complexe de protéines qui régule les réactions pro-inflammatoires innées par l’activation de la caspase-1 et la production de l’IL-1β et l’IL-18. Il existe différents types d’inflammasomes. La production d’inflammasomes est stimulée par la baisse de l’autophagie et cause une augmentation de l’inflammation. L’augmentation de la production de l’oxydation causée par le dysfonctionnement des mitochondries stimule aussi la production d’inflammasome et des molécules pro-inflammatoires. Cette augmentation de l’inflammation dans tout le corps humain accentue les problèmes ou la vitesse de développement des maladies auto-immunes, des maladies cardiovasculaires, le diabète de type II, les maladies dégénératives et le cancer. Ainsi, l’autophagie a un rôle important à jouer pour garder les cellules fonctionnelles et contrôler l’inflammation.
S’autodigérer lorsque l’on a faim
Deux habitudes de vie sont reliées à la stimulation de l’autophagie : l’activité physique qui stimule les mécanismes de maintenance et de réparation de façon générale, et le jeûne qui crée une situation de déficit en ressource. Tel que mentionné précédemment, le manque de ressource stimule l’autophagie afin de récupérer rapidement les ressources disponibles. Notez qu’en vieillissant, l’action du MTOR, présenté auparavant, diminue l’autophagie et accélère le vieillissement. La réduction de l’apport calorique, par le jeûne ou la restriction calorique, stimule l’autophagie de deux façons : en inhibant MTOR et en stimulant les mécanismes de réparation. De plus, l’inhibition du MTOR réduirait l’accumulation des protéines cellulaires qui ont tendance à rendre nos cellules difonctionnelles en vieillissant. Cela réduit aussi la nécessité d’avoir recourt à l’autophagie, ou encore, la tâche nécessaire pour que l’autophagie soit capable de répondre à la demande.
Notre capacité à stimuler l’autophagie serait une des clés permettant la longévité en santé. Notez que la stimulation par l’activité physique est dépendante du niveau d’intensité. Autrement dit, une activité physique de haute intensité est nécessaire à la stimulation de l’autophagie. Une autre option serait de stimuler l’autophagie par l’alimentation ou la prise de suppléments.
Stimuler l’autophagie grâce aux molécules végétales
Plusieurs extraits ou molécules végétales ont démontré la capacité de stimuler l’autophagie et/ou de réduire la création des inflammasomes. Les plus connus sont surement la spermidine (une polyamine) et le resvératrol (un polyphénol de la famille des stilbènes). Mentionnons aussi la quercétine, le gallate d’épigallocatéchine (EGCG; un polyphénol de la famille des flavanols, le plus abondant du thé vert), la catéchine (polyphénol, flavone aussi du thé vert) et l’hydroxytyrosol (le plus important polyphénol d’olive).
Il est intéressant de mentionner que les cellules neuronales sont particulièrement sensibles à l’accumulation de débris cellulaire ou d’organites dysfonctionnels. Cela accélère la mort cellulaire et réduit la neurogenèse (la production de nouvelles cellules). Ainsi, les polyphénols végétaux mentionnés auparavant et la spermidine, qui stimulent l’autophagie, ont des bénéfices importants sur la prévention ou le traitement des maladies dégénératives. Plusieurs sont connus aussi pour améliorer les fonctions mitochondriales ou stimuler l’apoptose (la mort cellulaire programmée qui sert à remplacer les cellules endommagées). Ces processus sont tous interreliés.
Une approche de santé intégrative visant l’autophagie
La santé intégrative vise à considérer la prévention avant tout, en considérant l’ensemble des approches qui peuvent être utilisées. Il est intéressant de souligner que la stimulation de l’autophagie peut mettre en application l’intégration de plusieurs solutions. Je vous ai parlé de l’activité physique, du jeûne, de l’alimentation et de la prise de suppléments. L’approche la plus productive sera surement d’intégrer toutes ces facettes par la mise en application de l’ensemble des 4.
Publié initialement dans la revue Vitalité QC : https://vitalitequebec-magazine.com/
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