Le jeûne provoque des changements métaboliques qui sont bénéfiques, mais saviez-vous qu’ils sont directement reliés au processus du vieillissement primaire? Il permet à la fois d’améliorer la réparation cellulaire et de ralentir le vieillissement. Un des plus prestigieux journaux scientifiques dans le monde de la médecine vient tout récemment de publier sur le sujet. Je vais y revenir.

Dans les trois premiers articles, je vous ai parlé de la base biologique du jeûne (article 1), des raisons pour lesquels le jeûne peut être bénéfique pour la santé (article 2) et des différents types de jeûnes (article 3). Je vous parlerai maintenant du lien avec mon domaine de recherche : le vieillissement.

L’article du New England Journal of Medecine

Le New England Journal of Medicine (NEJM) est le périodique médical le plus important au monde :

  • « Notre mission est d’apporter aux médecins les meilleures recherches et informations dans le domaine de la science biomédicale et de la pratique clinique et de présenter ces informations dans des formats compréhensibles et cliniquement utiles qui éclairent la prestation des soins de santé et améliorent les résultats pour les clients. »

Pour publier dans cette revue scientifique, il faut être considéré comme une sommité dans son domaine et apporter des informations qui sont d’une très grande qualité scientifique. L’article dont je vous parle, paru en décembre 2019, porte le titre : Effects of intermittent Fasting on Health, Aging, and Disease. Je vais vous rapporter un passage important (traduction libre) : « Ici nous avons revu les études chez l’animal et chez l’humain qui ont démontré comment le jeûne intermittent affecte les indicateurs généraux de santé et ralentit ou inverse le vieillissement et le processus des maladies ». Vous avez bien lu : ralentit ou inverse le vieillissement et les processus des maladies. Ce qui permet ces bénéfices santé pour le moins spectaculaires, ce sont les mécanismes du vieillissement primaire.

Le vieillissement cellulaire

Les processus cellulaires responsables du vieillissement primaire ont été découverts grâce à la restriction calorique. Nous pouvons considérer le jeûne comme un type de restriction calorique. La description des mécanismes d’action responsables de ses bénéfices a permis d’identifier des molécules capables de moduler ces processus et donc, d’agir sur le vieillissement. Il s’agit habituellement de molécules végétales, de phytonutriments, que nous appelons « les mimétismes de la restriction calorique ». C’est mon domaine de recherche. Je suis un chercheur dans le domaine du vieillissement et nous identifions de nouveaux modulateurs du vieillissement primaire à partir de molécules naturelles que l’on retrouve dans certaines plantes (https://esimard.com/recherches/).

Je vous en ai parlé dernièrement en présentant un article scientifique récent publié par des chercheurs européens. Ces chercheurs rapportaient que l’hydroxytyrosol, le plus important polyphénol d’olives, protège nos cellules du vieillissement. Personnellement, je considère que les recherches sur le vieillissement primaire sont aussi importantes en santé humaine que la découverte des cellules souches il y a de cela 30 ans déjà. Les cellules souches sont les cellules qui ont encore la capacité de créer de nouvelles cellules saines pour différents tissus et de regénérer des organes endommagés. La médecine régénérative évolue rapidement.

Ralentir ou inverser le vieillissement

Pour sa part, la recherche sur le vieillissement primaire permet de ralentir ou d’inverser le vieillissement en réduisant l’incidence des maladies associées. L’article du New England Journal of Medecine vient expliquer les bénéfices de ces processus, ici stimulés par le jeûne, sur une multitude de facettes de santé :

  • La gestion du glucose,
  • La résistance de l’organisme,
  • L’inflammation,
  • Les défenses oxydatives,
  • Les processus de réparation,
  • La performance cognitive,
  • La performance physique et
  • La résistance aux maladies.

Bien que la recherche dans ce domaine ait débuté par une observation réalisée en 1935, ce n’est que tout récemment que les mécanismes responsables du vieillissement primaire ont été identifiés (entre 2010 et 2015). Lorsqu’il y a des changements importants au niveau de grands paradigmes scientifiques, il n’est pas rare que 15 ans soient nécessaires avant que l’on commence à l’enseigner dans nos universités. Il est donc normal que cela paraisse totalement nouveau.

Le lien entre le jeûne et le vieillissement

Le vieillissement primaire est relié à notre capacité de grandir et de nous reproduire. Donc, très simplement, si l’apport calorique est réduit, notre corps comprend que sa capacité de développement est limitée et qu’il doit :

  • puiser dans ses réserves (utilisé nos graisses emmagasinées),
  • recycler tout ce qu’il peut réutiliser (c’est ce que l’on appelle l’autophagie; qui a de nombreux bénéfices santé entre autres dans le domaine du cancer et de la prévention de l’Alzheimer),
  • augmenter sa résistance et
  • réparer le plus possible.

Pour bien comprendre le vieillissement, retenez que l’on peut regrouper les processus à l’intérieur de deux grandes catégories :

  1. la poussée de l’organisme à vieillir (qui est reliée à notre capacité de développement) qui cause
  2. une réduction de nos capacités de réparation.

Lorsque l’on jeûne, il se produit un changement métabolique qui freine les mécanismes de croissance, ces même mécanismes responsables de la poussée de l’organisme à vieillir, qui nuisent à nos mécanismes de réparation. Au même moment, il y a une stimulation d’un grand nombre de mécanisme de recyclage et de maintenance afin d’augmenter nos chances de survivre à une période difficile. Donc, le jeûne ralenti le vieillissement et augmente notre résistance contre les maladies.

Dans le prochain article, je vous donnerai quelques recommandations pour optimiser les impacts de votre mode de vie en considérant le jeûne et les mimétismes de la restriction calorique.

 

 

Références :

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  • Bagherniya M, Butler AE, Barreto GE, Sahebkar A. 2018. The effect of fasting or calorie restriction on autophagy induction: A review of the literature. Ageing Res Rev. 2018;47:183‐197.
  • de Cabo et Mattson, 2019. Effects of Intermittent Fasting on Health, Aging, and Disease. New England Journal of Medecin. 381 (26), 2541-2551. 2019 Dec 26.
  • de Pablos RM, Espinosa-Oliva AM, Hornedo-Ortega R, Cano M, Arguelles S. 2019. Hydroxytyrosol protects from aging process via AMPK and autophagy; a review of its effects on cancer, metabolic syndrome, osteoporosis, immune-mediated and neurodegenerative diseases. Pharmacol Res. 2019;143:58‐72.
  • Leri M, Scuto M, Ontario ML, et al. 2020. Healthy Effects of Plant Polyphenols: Molecular Mechanisms. Int J Mol Sci. 2020;21(4):1250. Published 2020 Feb 13.
  • Newgard, C.B., Pessin, J.E. 2014. Recent progress in metabolic signaling pathways regulating aging and life span. J Gerontol A Biol Sci Med Sci. Jun;69 Suppl 1:S21-7. Review.
  • Pallauf K, Giller K, Huebbe P, Rimbach G. 2013. Nutrition and healthy ageing: calorie restriction or polyphenol-rich “MediterrAsian” diet?. Oxid Med Cell Longev. 2013;2013:707421.
  • Stekovic S, Hofer SJ, Tripolt N, et al. 2019. Alternate Day Fasting Improves Physiological and Molecular Markers of Aging in Healthy, Non-obese Humans [published correction appears in Cell Metab. 2020 Apr 7;31(4):878-881]. Cell Metab. 2019;30(3):462‐476.