On entend beaucoup parler du masque, même beaucoup trop, et très peu de l’exposition aux risques en fonction de la charge virale. Sachez avant tout que je ne suis pas pour l’usage du masque ou contre l’usage du masque. Je considère que oui il peut être très utile et que oui, il y a des mesures actuellement, que je trouve, disproportionnées par rapport aux risques. Toutefois, avant tout, nous devrions parler de l’exposition aux risques pour permettre de bien comprendre l’ensemble des mesures à notre portée et non pas simplement le masque.

Une organisation à but non lucratif, pour les personnes âgées, nous a demandé d’en parler. Donc, je vous le répète, ce n’est pas une question d’être pour ou contre, l’important est de chercher à savoir quand c’est vraiment utile.

Comme vous le savez tous, le masque est maintenant obligatoire au Québec dans les transports en commun et les lieux publics fermés depuis le 18 juillet : commerces, cabinets, centres commerciaux, restaurant, etc. Mais pourquoi spécifiquement les lieux publics fermés? Quelles sont les activités qui sont les plus à risque ? Nous allons mettre des chiffres sur tout ceci pour nous aider à respirer librement.

Parlons du masque, des facteurs d’exposition aux risques et de la charge virale sous trois angles :

  1. L’usage du masque pour limiter la propagation.
  2. L’usage du masque pour réduire les risques de l’attraper.
  3. Les facteurs d’exposition aux risques.

L’usage du masque pour limiter la propagation

Pourquoi porter un masque ?  Voici un énoncé qui provient de la santé publique du Québec :

  • Les personnes infectées n’ont pas toutes des symptômes. « Certaines personnes peuvent être infectées sans le savoir. Le port d’un masque ou d’un couvre-visage, aussi appelé masque artisanal, pourrait permettre de diminuer le risque qu’une personne infectée transmette le virus à d’autres. »

On ne met pas seulement le masque pour nous, pour nous empêcher de l’attraper, mais encore plus, pour les autres, parce que beaucoup de gens sont asymptomatiques. Une étude récente a démontré que la quantité de coronavirus SARS-CoV-2, ce que l’on appelle la charge virale, est plus élevée chez des patients présentant des symptômes plus légers et ne nécessitant pas d’hospitalisation.

Ici, je vais faire une petite parenthèse pour parler de l’information qui circule sur les réseaux sociaux. Premièrement, le masque ne rend pas malade. Si le masque rendait malade, tous nos chirurgiens et un grand nombre d’infirmières(ers) seraient malades. Il peut bien sûr causer des irritations ou des démangeaisons pour ceux et celles qui ont la peau sensible et causer des inconforts pour certaines personnes qui ont des problèmes respiratoires. Cela est bien sûr malheureux. Pour ce qui est de son efficacité vs la taille du virus, gardez à l’idée qu’il ne s’agit pas simplement d’un filtre, mais d’une barrière partielle pour détourner et réduire le déplacement d’air. Pensez simplement à mettre votre main devant votre bouche pour empêcher qu’un ami ne soit terrorisé par une haleine d’ail. Un masque aussi réduirait la propagation de l’odeur, en réduisant le flot d’air direct vers votre ami. C’est la même chose pour le virus : il faut réduire le flot d’air direct pour réduire la charge virale contenue dans l’air respiré par les gens qui vous entourent. Je vais revenir sur l’efficacité des masques avec des données chiffrées.

Définissions ce qu’est la charge virale et pourquoi c’est important. La charge virale est une quantité de virus. Pour la personne infectée, c’est la quantité de virus que la personne transporte, mais pour le risque d’infection, c’est la quantité de virus nécessaire pour infecter une autre personne. Plus la charge virale nécessaire pour infecter une personne est faible, plus le virus est contagieux. Il est aussi possible, selon une étude récente réalisée par l’Armée suisse, qu’une faible charge virale soit reliée à des risques plus faibles d’avoir des symptômes de la Covid-19 ou la possibilité d’être asymptomatique. Ainsi, le masque pourrait réduire les risques de développer la Covid-19, même si on est infecté, en réduisant la charge virale.

Pour revenir aux gens asymptomatiques ayant une forte charge virale, vous comprendrez qu’ils ont une plus grande capacité à propager le virus pour trois raisons :

  1. Ils relâchent plus de virus à chaque fois qu’ils respirent (pas nécessairement obligé de tousser, mais la toux en relâche bien sûr encore plus.)
  2. Ils ne se méfient pas d’eux-mêmes puisqu’ils ne se sentent pas malades, ou peu.
  3. On ne se méfie pas d’eux parce qu’ils n’ont pas l’air malades.

Il est donc facile à comprendre qu’il peut y avoir des gens asymptomatiques qui propagent beaucoup le virus et c’est forcément un des problèmes les plus importants de la pandémie actuelle. C’est pourquoi l’usage du masque peut être pertinent pour limiter la propagation.

L’usage du masque pour réduire les risques de l’attraper

Il est intéressant de noter qu’une étude canadienne conclut que le port du masque réduit la probabilité d’être contaminé par le coronavirus de 85 % en cas de rencontre avec une personne infectée. Tel que mentionné précédemment, nous ne pouvons malheureusement pas savoir qui est infecté étant donné le haut taux de personnes asymptomatiques.

Une méta-analyse (l’analyse d’un grand nombre d’études déjà publiées) considérant 172 études observationnelles menées dans 16 pays et sur six continents évalue que le taux de contamination des personnes en bonne santé côtoyant un individu touché par un virus transmissible dans l’air passe de 17,4 % à 3,1 % si elles se protègent le visage. Cela équivaut à une réduction de 82%, ce qui est similaire à l’étude canadienne. Donc, le masque protège aussi des risques de l’attraper.

Cette protection d’environ 85% s’ajoute à celle conférée par la distanciation. La distanciation sociale réduit le risque d’infection de 12,8% à 2,6% (80% de réduction) selon que l’on se trouve à plus ou moins un mètre d’une personne atteinte de COVID-19, et l’efficacité s’accroît au-delà de deux mètres de distance. Ce 80% et plus de réduction apportée par la distanciation sociale s’ajoute à celle du masque lorsque le masque est porté. Nous pourrions donc considérer que le 80% s’applique au 3,1 % résiduel pour les gens ayant un masque pour donner 0,62% (moins de 1%). Hypothétiquement, basé sur les données présentées (références à la fin), le masque combiné à la distanciation réduirait les risques à moins de 1%.

Donc, le masque est un des outils, que l’on doit utiliser en considération de la distanciation sociale et toujours, avec le lavage des mains.

Voici les recommandations sur la manière de mettre et d’enlever le masque par Dr Alain Vadeboncoeur : Comment mettre un masque ou un couvre-visage?

Quant aux types de masques, L’OMS mentionne que les N95 ne sont pas plus efficaces que les masques médicaux classiques face à la COVID-19. Les essais contrôlés randomisés ne montrent « aucune différence » entre ces deux protections faciales pour réduire la transmission des infections aéroportées.

Il est bien sûr vrai que les masques en tissu ne sont pas aussi efficaces que les masques médicaux de façon générale. Pour optimiser les masques en tissus, ils devraient comporter 3 couches et respecter :

  1. une couche intérieure de matériau absorbant, tel que du coton,
  2. une couche intermédiaire de matériau non tissé, tel que du polypropylène, et
  3. une couche extérieure de matériau non absorbant, tel que du polyester ou un mélange de polyester.

Le masque doit en outre permettre de respirer tout en parlant et en marchant rapidement. Il est certainement mieux d’en avoir un imparfait que de ne pas en avoir du tout. Rappelez-vous aussi que ce n’est pas parce que vous avez un masque que vous êtes complètement protégé pour autant. C’est ce qui m’amène à vous parler des facteurs d’exposition aux risques.

Les facteurs d’exposition aux risques

Voici un sujet très important pour lequel, je crois, très peu d’explications ont été données par la santé publique. La majorité des gens savent que le risque est plus élevé dans un endroit fermé peu ventilé, que dehors au grand air, parce que le risque de respirer de l’air contenant le virus est plus élevé. Quels sont les facteurs d’exposition autres qu’une pièce fermée ?

Des scientifiques ont produit un index de risque COVID-19 que j’ai vu passer sur les réseaux sociaux, provenant d’un ami médecin de la Belgique.

L’index considère que les niveaux de risques d’exposition varient selon 4 facteurs principaux :

  • les espaces fermés,
  • la durée d’interaction,
  • la foule et
  • l’exhalation forcée.

Ainsi, les activités sont classées selon 5 niveaux de risque, du niveau faible à élevé :

  1. (Faible) Rester à la maison, prendre une marche à l’extérieur, faire un pique-nique ou allez chercher une commande à l’auto.
  2. (Faible/moyen) Activités sportives à distance à l’extérieur, faire les courses, magasiner.
  3. (Moyen) Se rendre aux urgences, le dentiste, prendre un taxi, diner à l’extérieur d’un restaurant, visiter un musée.
  4. (Moyen/élevé) Salles de sport, coiffeur/esthétique, travailler dans un bureau (avec d’autres personnes), restaurant et café à l’intérieur.
  5. (Élevé) Fête à l’intérieur, bar et boîte de nuit, sports de contact, avion, transport en commun, concert, évènements religieux, cinéma/théâtre, assister à un évènement sportif.

Plus le niveau de risque augmente, plus les mesures pour éviter la propagation doivent être importantes; toutes les mesures et non pas seulement le masque. Cela aide à comprendre les différentes recommandations et mesures imposées ou proposées par la santé publique.

Pour résumer, le masque est utile, mais si vous êtes longtemps dans un endroit fermé, à proximité d’une personne contaminée, il ne sera peut-être pas suffisant pour vous empêcher de l’attraper. Donc même si vous porter un masque, il faut bien l’utiliser et garder à l’idée d’être le moins longtemps possible dans des situations à risque.

En terminant, le risque que chaque personne est prête à prendre lui appartient, aussi longtemps que cela ne modifie pas le niveau du risque qu’elle impose aux autres personnes par ses gestes. Soyez compréhensifs même si certaines situations ne vous plaisent pas.

Espérons que cette situation durera le moins longtemps possible.

 

 

Références :

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