Dès le début de la pandémie, plusieurs patients se sont présentés dans nos pharmacies pour consulter afin d’obtenir des conseils face à ce nouveau virus. Et comme pharmacien consciencieux, à première vue, je sais bien que la pharmacologie traditionnelle a bien peu d’outils pour combattre les infections à virus, qu’il s’agisse de la grippe saisonnière, ou du VIH par exemple. Devant l’absence de médicaments conventionnels spécifiques, et encore plus pour les médicaments en vente libre que je peux recommander sans ordonnance, il m’est apparu évident que dans les circonstances, le meilleur conseil était de proposer à mes patients des recommandations en vue d’améliorer leur système immunitaire en général pour mieux résister à cette infection inconnue. C’est le gros bon sens.

Certains groupes et certains professionnels se sont empressés de recommander quelques médicaments traditionnels (colchicine, chloroquine, hydroxychloroquine par exemple), bien que rien ne prouve scientifiquement que ces produits pouvaient être utiles. Par contre, ce qui m’a le plus surpris, c’est que personne ne semblait porté à recommander l’utilisation de certains suppléments dits « naturels », parce que, dans leur cas aussi, rien ne « prouvait » leur efficacité. Deux poids deux mesures ? C’était aussi vrai pour les médicaments dits « conventionnels », mais pourtant nous avons essayé de les utiliser. Il est normal dans une situation inédite, d’utiliser des médicaments dont nous avons des raisons de croire qu’ils pourraient aider à combattre ce nouvel ennemi. Essayer des médicaments traditionnels, d’accord, mais Il aurait été tout aussi normal d’évaluer quels suppléments naturels pourraient peut-être être utiles.

Dans une situation de crise, où beaucoup de gens risquent de perdre la vie, toutes les possibilités devraient être considérées. Il faut faire preuve d’ouverture d’esprit, et tenter de faire de la prévention tout azimuts, y compris les règles standard d’hygiène recommandées par nos gouvernements, mais aussi corriger les facteurs de risque connus (tabagisme, manque de sommeil, alimentation trop sucrée, etc.), y compris aussi de recommander l’usage de certains suppléments. Je vous parlerai ici de plusieurs facettes qui semblent se confirmer pour l’usage de la vitamine D et de certains minéraux, de même que les essais considérés en médecine traditionnelle chinoise (mon passé d’acupuncteur me rattrape !) avec des antiviraux non spécifiques qui pourraient donc être à large spectre.

La prévention

Toutes les mesures de prévention dont nous avons entendu parler étaient pratiquement toutes d’ordre physique : le confinement, éternuer dans son coude, la distanciation de 2 mètres, les masques, etc. Où sont les mesures de prévention biologique ? Les mesures de prévention basées sur l’optimisation de la santé ? Certains sujets ont été abordés sur le blogue de Vitoli en lien avec la Covid-19 dont le contrôle du stress (Coronavirus et stress : Tout ce que vous devez savoir et Sommes-nous victimes de la COVID? Comment faire pour ne pas l’être!). Le stress notamment est l’un de nos pires ennemis dû à son effet négatif sur le système immunitaire, et malheureusement, il est omniprésent.

La prévention devrait bien sûr inclure le fait de bien manger, d’être actif, de bien dormir et de s’assurer de ne pas manquer de certains nutriments comme la vitamine D, le sélénium et le zinc. Je vous présenterai aussi certaines plantes utilisées en médecine traditionnelle chinoise.

La vitamine D

Il s’agit du supplément le mieux documenté pour son impact sur les risques de la maladie et/ou les risques de complications. Nous savons que des taux élevés de vitamine D sont associés à une réduction de l’herpès, de l’hépatite B et C, du VIH, de l’influenza, etc. Ceci est vrai pour plusieurs études provenant de différents pays sur différents continents. Il y a une corrélation entre les niveaux de vitamine D et la gravité de la maladie Covid-19 chez les cas confirmés. C’est donc de dire que pour les gens qui attrapent le virus, leur niveau de vitamine D est en lien avec le niveau de gravité des symptômes; les gens carencés en vitamine D ont des symptômes significativement plus sévères, ce qui augmente les risques de décès.

Il faut savoir que plus d’un milliard de personnes seraient carencées en vitamine D, particulièrement à la fin de l’hiver ou au printemps, parce que peu d’aliments en contiennent et que la principale source est la production de notre peau en réponse à l’exposition au soleil. Soleil et confinement ne font pas bon ménage !

La vitamine D module les réponses adaptatives et innées de notre système immunitaire, entre autre en réduisant la réponse inflammatoire mucosale (ce qui expliquerait aussi en partie ses bénéfices en cas de Covid-19). De 1000 à 5000 UI de vitamine D3 seraient recommandées par jour, mais sachez aussi que 20 minutes d’exposition au soleil sans crème solaire permettent de produire entre 10 000 et 20 000 unités.

Le sélénium

Des études avaient déjà démontré que les carences en sélénium augmentaient la virulence des virus à ARN (le Sars-Cov2 est un coronavirus à ARN). D’autres corrélations ont été établies entre l’apport en sélénium et la mortalité dus à certains virus comme le HIV (SIDA) ou l’hépatite B.

Concernant la Covid-19 et le sélénium, les données provenant de la Chine sont particulièrement intéressantes. La Chine possède à la fois la population la plus carencée en sélénium et la population ayant les plus hauts niveaux de sélénium. Une comparaison des cas infectés ayant dû être traités pour la Covid-19 démontre que les régions carencées en sélénium sont significativement plus touchées que les régions non carencées.

Le sélénium aurait un effet antiviral via plusieurs mécanismes d’action. La bonne nouvelle est que les noix sont riches en sélénium, particulièrement les noix du Brésil, et elles sont une excellente source de différentes vitamines et minéraux, en plus des protéines et des fibres. La dose de sélénium recommandée serait de 50 à 100 microgrammes par jour (ug/jour).

Le zinc

Les sources alimentaires de zinc sont le poisson et les produits de la mer (particulièrement les huîtres), la viande, le foie, les noix et les graines. Les mécanismes d’action de l’effet antiviral du zinc ne sont pas clairs, mais l’inhibition de certains enzymes nécessaires à la réplication des virus pourrait expliquer ses bénéfices. Des essais sont en cours pour améliorer l’effet de l’hydroxychloroquine en ajoutant du zinc pour les patients traités. La nouvelle synergie du médicament et de ce minéral pourrait permettre de réduire la réplication du virus. Quoi qu’il en soit, il existe plusieurs sources alimentaires et des suppléments qui peuvent vous permettre d’augmenter votre apport en zinc. L’apport journalier recommandé serait de 8 à 11 milligrammes (mg/jour). À long terme, ne pas dépasser 50 mg/jour par voie orale.

Les autres vitamines et minéraux

Certains chercheurs se sont penchés sur la question de quels suppléments pourraient être bénéfiques dans la situation actuelle pour être mieux protégé ou encore, être prêts à faire face à la Covid-19. En fouillant la littérature scientifique, j’ai relevé deux études sur le sujet qui ont considéré un grand nombre de publications et d’études scientifiques afin de recommander les approches qu’ils jugent pertinentes.

Une revue de la littérature scientifique (Calder et al, 2020), réalisée par 4 chercheurs de différents pays, propose de considérer l’apport en certains suppléments comme étant essentiel au bon fonctionnement du système immunitaire pour une protection optimale contre les virus. Les chercheurs retiennent la vitamine A, B6, B12, C, D, E, l’acide folique (B9), le zinc, le fer, le sélénium, le magnésium, le cuivre et les oméga-3. Les auteurs recommandent la prise d’une multivitamine en plus d’une alimentation équilibrée.

Une autre étude, une revue systématique cette fois (Jayawardena et al, 2020), a considérée 43 publications ayant portées sur des études humaines contrôlées, incluant des mesures immunologiques, pour des infections virales des voies respiratoires. Les études portant sur des vitamines (13), minéraux (8), produits nutraceutiques (18) et les probiotiques (4) ont été incluses. Cette étude a conclu à l’effet significatif de la vitamine A et de la vitamine D, du sélénium et du zinc, de certains probiotiques et de certaines formulations de suppléments pour le fonctionnement ou la stimulation du système immunitaire. Sans entrer dans les détails, sachez que les auteurs concluent à la pertinence de l’utilisation des vitamines, minéraux et certaines formulations, à la fois en prévention et en traitement des cas d’infection à la Covid-19. Ils soulignent l’importance de la qualité des produits considérés (choisissez avec soin la qualité des produits que vous utiliserez et demandez l’avis de votre pharmacien !).

Les plantes de la médecine traditionnelle chinoise.

Dans un des articles du blogue de Vitoli (Produits Naturels : et si l’on vous disait la vérité ?), mon bon ami, le Dr Éric Simard, mentionne qu’une lauréate du prix Nobel de médecine de 2015, Youyou Tu, a reçu le prix pour avoir isolé une molécule antivirale d’une plante utilisée en médecine traditionnelle chinoise. Elle a reçu un prix Nobel pour l’identification d’un nouvel agent antiviral provenant d’une plante et utilisé pour traiter la malaria.

Il existe des plantes déjà connues pour leurs effets antiviraux non spécifiques et il est bien sûr intéressant de se demander si certaines de ces plantes pourraient être utiles pour combattre la Covid-19. J’ai moi-même assisté à une formation sur la modulation du système immunitaire dernièrement. La formation présentait les effets significatifs de trois plantes en particulier pour lesquelles les mécanismes d’action étaient documentés scientifiquement : l’astragale (Astragalus membranaceus), l’échinacée (Echinacea purpurea) et le sureau (Sambucus nigra).

En regardant la littérature, j’ai trouvé deux études portant spécifiquement sur l’usage de la médecine traditionnelle chinoise pour combattre la Covid-19. Comme nous pouvons l’imaginer, les Chinois utilisent leur médecine traditionnelle pour essayer de prévenir et de traiter la Covid-19, en plus de la médecine contemporaine. Parmi les plantes les plus utilisées à cette fin, provenant d’un suivi dans 23 provinces de la Chine : Astragalus membranaceus, Glycyrrhizae uralensis, Saposhnikoviae divaricata, Rhizoma Atractylodis Macrocephalae, Lonicerae Japonicae Flos, Fructus Forsythiae, Atractylodis Rhizoma, Radix platycodonis, Agastache rugosa et Cyrtomium fortune J. Sm.

Il est intéressant de souligner que l’astragale est à la fois une des plantes les plus utilisées seule et une des composantes de la formulation de la médecine traditionnelle chinoise la plus utilisée. Tel que mentionné, l’astragale possède des mécanismes d’action connus pour ses effets antiviraux. Aussi, parmi les plantes que j’ai mentionnées précédemment, il est à noter que l’échinacée (Echinacea purpurea), que vous connaissez probablement déjà, est une plante originaire de l’Amérique du Nord et ne fait donc pas partie de la médecine traditionnelle chinoise.

Les chercheurs chinois espèrent mettre à profit les centaines d’années d’usage de la médecine traditionnelle chinoise afin de trouver de nouveaux antiviraux qui serviront pour la Covid-19, ou pour un prochain virus. Ils soulignent toutefois l’importance que ces études cliniques, qui sont réalisées en Chine actuellement, soient effectuées avec des extraits standardisés (dont la composition est bien établie).

Conclusion

En conclusion, j’aimerais revenir sur le fait que certains groupes et certains professionnels se sont empressés de dire, au début de la pandémie, qu’aucun supplément ne pouvait être utile, parce que rien n’était démontré. Effectivement, rien n’était démontré, mais est-ce que cela veut dire que rien ne peut être utile ? Il s’agit d’un nouveau virus avec beaucoup d’inconnus, donc pourquoi rejeter l’usage de produits dits « naturels » alors qu’il n’existe aucun précédent à cette pandémie, aucun manuel d’instruction sur la marche à suivre ? Les rejeter, on appelle cela jeter le bébé avec l’eau du bain !

Au vu de cet article, vous pouvez constater que les connaissances scientifiques nous permettent d’identifier des suppléments qui peuvent aider autant en prévention qu’en traitement. La pandémie nécessite que l’on considère toutes les possibilités qui peuvent être étudiées pour augmenter nos chances de sauver des vies. Des hôpitaux du Québec ont même maintenant inclus le dosage de la vitamine D chez les patients sévèrement atteints afin de les supplémenter en cas de carence. Honnêtement, je crois que l’on devrait s’empresser de recommander à tous nos gens vieillissants la prise d’un supplément de vitamine D et leur dire de manger des noix pour l’apport en sélénium et en zinc.

Retenez aussi que dans le domaine des suppléments, les connaissances des différents professionnels sont très variables, même parmi les professionnels de la santé. Il est important d’être bien renseigné et d’utiliser des produits de qualité. En tout cas, moi, je me supplémente adéquatement et je recommande à tous de prendre les mêmes précautions… On n’est jamais trop prudent !

– André Perreault, Pharmacien

 

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