Commençons par définir ce qu’est la naturopathie. Un certain nombre de gens ne connaissent pas du tout cette profession ou ont une image qui ne correspond que très peu à la réalité de la naturopathie d’aujourd’hui.

La naturopathie n’est pas une mode ou une approche un peu « flyée » sans fondement scientifique. Les personnalités qui ont contribué à ce qu’est devenue la naturopathie, par leurs recherches et leur pratique, sont en majorité médecins. L’histoire de la naturopathie est directement liée à l’histoire de la médecine jusqu’au XVIIIe siècle, à l’époque où la discipline commence à se scinder en deux : la médecine conventionnelle (moderne ou d’État) et la médecine traditionnelle (alternative, complémentaire ou parallèle).

La naturopathie d’aujourd’hui est une approche de traitement ou, devrais-je dire, d’éducation à la santé (non invasive) dont les origines remontent au début de l’humanité. L’être humain s’est toujours soigné à l’aide de plantes, d’argile, d’eau, d’aliments et de jeûnes. Les thérapies naturelles sont donc ses premiers moyens de guérison et elles ont joué un rôle important dans l’histoire médicale.

Les premières connaissances empiriques ont formé des ensembles thérapeutiques comme l’Ayurveda en Inde et la médecine traditionnelle chinoise en Orient. En Grèce, la médecine traditionnelle occidentale a atteint son apogée grâce à Hippocrate au IVe siècle avant notre ère. Plus tard, certains médecins comme Dioscoride ont établi des classifications d’herbes et de végétaux à usage médicinal qui ont été les références jusqu’au XVIIe siècle. Certaines de ces découvertes ont apporté la pharmacologie moderne que l’on connait.

La médecine hippocratique sous-tend encore une grande partie des fondements de la naturopathie actuelle. D’ailleurs, la médecine d’État se réclame toujours d’Hippocrate : il est l’auteur du fameux « serment » que prêtent les médecins encore aujourd’hui.

Le terme officiel « naturopathy » trouve son origine en 1895 aux États-Unis et vient de l’anglais nature’s path qui signifie « la voie de la nature ». C’est le Dr Benedict Lust, médecin, ostéopathe et chiropraticien d’origine allemande, qui a enregistré le terme sept ans plus tard et qui établit officiellement la profession de naturopathe aux États-Unis. En 1902, il inaugure donc la première école de naturopathie au monde. On y enseigne l’hydrologie, l’herboristerie, la nutrition, la physiothérapie, la physiologie, la psychologie et bien d’autres techniques thérapeutiques. Dans la demande d’enregistrement de « naturopathy », il décrit une pratique clinique qui intègre des méthodes de guérison naturelles et la relation thérapeutique axée sur le mode de vie. Cette pratique s’institutionnalise et on l’enseigne depuis dans beaucoup d’universités de médecine américaines. L’apparition dans les années 1940 des premiers vaccins, des antibiotiques et de meilleures techniques de chirurgie crée un fossé entre les naturopathes et les médecins qui perdurera durant plusieurs années aux États-Unis et ailleurs dans le monde.

Dès les années 1960, certaines populations commencent à se poser des questions sur les limites de la médecine conventionnelle pour le traitement des maladies chroniques et dégénératives. Cette situation donne un nouvel essor aux pratiques alternatives un peu partout sur la planète, incluant le Canada.

Ici au Canada

En 1955, le gouvernement fédéral canadien reconnaît l’Association canadienne des docteurs en naturopathie (l’ACDN) qui a toujours pour mandat de regrouper les associations provinciales de naturopathes à ce jour. En 1964, une Commission royale sur les soins de santé publie une étude dont les conclusions amèneront cinq provinces à reconnaître officiellement la naturopathie. À l’époque, on compte quelque 500 naturopathes au Canada, tous formés aux États-Unis. Le Québec ne fait toujours pas partie de ces provinces où la profession est reconnue.

Pourtant en 1983, l’Organisation mondiale de la santé recommande aux autorités de tous les pays d’intégrer la naturopathie dans leur système de santé publique. En 1994, c’est à la Bastyr University, une des grandes écoles de naturopathie nord-américaine que le gouvernement des États-Unis accorde un budget de recherche scientifique sur le sida. En 1997, la naturopathie est reconnue comme « médecine non conventionnelle » par le Parlement européen et classée « médecine traditionnelle », au même titre que les médecines chinoise et indienne par l’OMS, en 2002. La naturopathie est maintenant officiellement reconnue dans de nombreux pays, dont la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Suisse, l’Irlande, la Norvège, le Danemark, la Suède, les Pays-Bas et le Portugal.

Les écoles de naturopathies, dans les pays où la pratique est reconnue, offrent aujourd’hui des programmes d’enseignement basés sur des fondements scientifiques très modernes. On y enseigne toutes les disciplines de bases qui sont vu en médecine comme la biologie, la physiologie, la biochimie, la pharmacologie et bien d’autres, en plus de l’utilisation des plantes médicinales, l’utilisation de compléments alimentaires adaptés et bien sûr toutes les recommandations les mieux documentées sur l’alimentation et la gestion du stress afin d’éduquer les gens à adopter un mode de vie sain favorisant la santé et la longévité.

Ici au Québec

Les Québécois ont bien accès à plusieurs médecines douces que l’on appelle les MAC (médecines alternatives et complémentaires), mais aucun cadre réglementaire ne leur accorde une reconnaissance officielle à ce jour, à part pour l’acuponcture et la chiropratique. Pourtant, le mandat du gouvernement et de l’office des professions est de protéger le public et il devient important, même urgent, selon moi de reconnaître que la popularité de ces approches augmente grandement surtout pour soutenir les gens qui souffrent de maladies chroniques. N’ayant à ce jour aucun statut professionnel pour la naturopathie au Québec, il y a un risque de recevoir des conseils qui ne sont pas prodigués par une personne ayant reçu une formation adéquate.

Une prochaine étape serait d’obtenir un statut qui pourrait reconnaître la formation et la pratique clinique de la naturopathie. Quelques écoles privées sont à l’œuvre au Québec et offrent une formation de très bonne qualité qui équivaut à un programme de baccalauréat universitaire. Toutefois, plusieurs écoles n’ont pas de standard et n’offrent que quelques heures de cours pour obtenir un diplôme de naturopathes ou de naturothérapeutes. C’est à ce niveau qu’il faut intervenir pour assurer une pratique uniforme de la profession et la protection du public. Des demandes par l’association des naturopathes agréés du Québec (ANAQ) et l’association des médecins naturopathes du Québec (AMNQ) ont été faites afin de présenter un projet de création d’un ordre professionnel et d’une formation reconnue par le ministère de l’Éducation. À ce jour, nous attendons toujours qu’une rencontre ait lieu.

Le naturopathe dans notre système de santé

Le naturopathe pourrait avoir un rôle d’éducation auprès des gens sur les composantes d’une bonne santé qui regroupe l’alimentation, l’exercice physique, la gestion du stress et du sommeil ainsi que l’utilisation des produits de santé naturels homologués comme les plantes médicinales, les vitamines et autres extraits naturels. Soyez rassuré quant à ces derniers, ils ont pour la plupart fait l’objet d’études modernes sur leurs modes d’action et leurs efficacités. Nous ne sommes plus en 1920 comme voudraient nous le faire croire certaines personnes. Le naturopathe devient un acteur complémentaire qui peut éduquer et faire des recommandations en plus de diriger la personne vers un spécialiste qui pourra compléter le suivi, s’il y a lieu. Il deviendrait en quelque sorte le généraliste des bonnes habitudes de vie et de la prévention des maladies chroniques. Pour le moment, personne n’occupe ce rôle dans le système de santé québécois. Nous avons bien sûr beaucoup de professions qui offrent des spécialités de ce type comme les nutritionnistes, les kinésiologues, les ostéopathes, les chiropraticiens, les psychologues, mais seul un médecin peut diriger les gens vers ces spécialités et il n’a habituellement pas la formation adéquate pour le faire. La pratique et la formation du médecin ne comprennent pas la prévention et les bonnes habitudes de vie. La pratique médicale du médecin de famille en 2021 est surtout orientée vers les examens, les tests diagnostiques et la prescription de médicaments.

Il y a bien un petit groupe de médecins au Québec qui pratiquent ce que l’on appelle la médecine fonctionnelle et qui s’intéressent de plus en plus au patient dans son ensemble avec une approche globale du traitement. Cette approche demeure médicale puisqu’elle traite une condition avec des analyses biologiques et des recommandations qui regroupent parfois des médicaments classiques, l’ajout de compléments alimentaires et à l’occasion des recommandations nutritionnelles. La plupart d’entre eux travaillent toutefois en équipe multidisciplinaire avec, dans certains cas, un naturopathe pour assurer un suivi dans une approche plus intégrative du traitement.

Il n’y a pas de doute pour moi que l’ensemble des professionnels de la santé doivent trouver le moyen de travailler ensemble et d’utiliser toutes les approches qui permettent le rétablissement du patient selon ses convictions et ses choix.

En conclusion, j’aimerais insister sur le fait que nous avons un système de santé de très haut niveau au Québec lorsqu’il s’agit de soins d’urgence. La science de ce côté nous a fait faire des bonds de géants depuis 50 ans (chirurgies, transplantation, diagnostics et traitement). Cependant, nous sommes un peu moins bons pour les maladies chroniques (obésité, diabète, maladies coronariennes, cancer, démences, etc.). Nous devons maintenant réfléchir à ce qui serait le mieux pour notre système de santé afin d’économiser de l’argent, mais surtout comme disait André Malraux : « ajouter de la vie aux années, pas des années à la vie ».