Beaucoup de gens donnent leur opinion, très peu s’y connaissent vraiment. Qui croire ? Il y a plusieurs aspects à considérer, mais avant tout il faut parler de la science. Est-ce qu’il suffit de bien manger et d’être actif pour être en santé jusqu’à la fin de nos jours ? Quoi penser des bénéfices santé des plantes que l’on ne mange pas? Je vais vous donner mon opinion, l’opinion du chercheur.

Je suis un chercheur dans le domaine du vieillissement et nous identifions de nouveaux modulateurs du vieillissement primaire à partir de molécules naturelles que l’on retrouve dans certaines plantes (https://esimard.com/recherches/). Je suis dans le domaine des produits naturels depuis plus de 25 ans. J’ai élaboré plusieurs programmes de recherche, dont plus d’une dizaine de collaborations avec des universités canadiennes. J’ai été, durant plus de 10 ans, président du Comité consultatif du Conseil de Recherche en Sciences naturelles et en Génie du Canada, bureau du Québec. J’ai été impliqué dans la réalisation d’études cliniques de grande envergure, dans la mise en place de la réglementation canadienne, dans la formation des professionnels de la santé (médecins, pharmaciens, nutritionnistes) et même, dans le développement de nouvelles technologies de production en usine. Bref, j’ai touché à tous les aspects.

Molécules végétales et santé humaine

Avant tout, ce dont je vais vous parler, c’est de l’impact des molécules végétales en santé humaine. La majorité des produits naturels sont issus d’extraits de plantes. Les phytonutriments les plus importants en santé humaine sont les vitamines et les polyphénols. Dans la majorité des cas, l’usage des vitamines se limite à compléter ou éviter les carences. Les carences peuvent être causées par une mauvaise alimentation, mais aussi par la prise de certains médicaments (par exemple, la metformine réduit l’absorption digestive de vitamine B12).

Je vous parlerai plus spécifiquement des polyphénols parce que c’est de ce groupe de molécules que proviennent les plus importants bénéfices santé des produits naturels.

diagramme polyphénols végétauxLes polyphénols végétaux sont des substances naturelles présentes dans les fruits et légumes. Les fruits tels que les raisins, les pommes, les pêches, les bleuets et autres petits fruits contiennent jusqu’à 200 ou 300 mg de polyphénols par 100 grammes. De même, un verre de vin rouge, une tasse de thé ou de café contiendra jusqu’à 100 mg de polyphénols. Les légumes, les céréales et même le chocolat contiennent aussi des quantités significatives de polyphénols. Les polyphénols participent au goût âcre (huile d’olive), à l’astringence, à la couleur, à l’odeur et à la capacité antioxydante des aliments.

Nous en retrouvons dans plus de 350 aliments d’origine végétale consommés régulièrement par l’homme. Certains de ces polyphénols sont plus connus que d’autres comme la curcumine, le resvératrol, le lycopène, la lutéine, les isoflavones de soya ou encore la quercétine. Cette dernière a fait la manchette au début de la pandémie : Quercétine et coronavirus : mangez-en si cela vous intéresse! Certains de ces polyphénols sont uniques à certaines plantes et d’autres, comme la quercétine, se retrouvent dans un très grand nombre de plantes différentes, de fruits et de légumes.

Mais s’il y a autant de molécules bénéfiques dans les plantes que nous mangeons, pensez-vous qu’il puisse y avoir des molécules bénéfiques dans les plantes que nous ne mangeons pas ?

Des plantes que l’on ne mange pas

Il y a beaucoup plus de plantes que l’on ne mange pas sur la terre que des plantes qui servent d’aliments. Il est évident qu’il y a aussi des molécules bénéfiques pour la santé dans les plantes que nous ne mangeons pas. Les médecines traditionnelles en ont identifié un grand nombre et certaines sont même devenues des médicaments. Parmi ces plantes, il y a souvent plusieurs molécules responsables des bénéfices santé et plusieurs mécanismes d’actions d’impliqués. Dans ces cas complexes, il n’est pas possible d’utiliser une seule molécule pour ne produire qu’un médicament. C’est le cas pour la valériane, ou encore, pour la griffe du diable. Ces extraits vont donc demeurer des produits naturels même s’ils sont très efficaces.

Les extraits de ces plantes peuvent être considérés comme des infusions, au même titre que le café ou le thé. Les bénéfices santé du café et du thé sont nombreux et il s’agit d’extraits. Nous ne mangeons pas les feuilles de thé. Pensez-vous que les bénéfices santé du thé ne seraient pas les mêmes s’il ne s’agissait pas d’une boisson ? Donc, certaines personnes vont dire que les produits de santé naturels ne servent à rien, mais elles seront d’accord que le thé vert est bon pour la santé. Deux poids deux mesures; scientifiquement ce discours ne tient pas la route.

De la même façon, les extraits de lutéine et de zéaxanthine que l’on retrouve dans les produits pour le traitement ou la prévention des cataractes ou de la dégénérescence maculaire proviennent d’extraits de fleurs. Ces deux caroténoïdes sont présents dans une grande quantité de fruits et de légumes, mais les médecins prescrivent des suppléments et ils ont raison de le faire. C’est que le bénéfice potentiel (conserver la vue) est tellement important, qu’il n’y a pas de risque à prendre. Il faut être certains des quantités consommées.

Mais où est le problème ?

Il est évident que certains extraits de plante sont bénéfiques pour la santé et qu’ils peuvent grandement aider, soit à rester en santé, soit à réduire les symptômes de différentes maladies. Alors pourquoi un tel débat envers l’utilité des produits naturels ? C’est simple, c’est la tendance continuelle à tout opposer et le discours facile de dire que tout est bon, ou que tout est mauvais.

Parlons en premier lieu de la tendance à tout opposer. Je suis d’avis qu’avant tout, il faut bien manger et avoir de saines habitudes de vie. J’ai même pris la peine d’écrire 4 livres pour essayer d’influencer les gens à améliorer leurs habitudes de vie. Est-ce que cela veut dire qu’aucun supplément ne sera jamais nécessaire ? Je connais personnellement beaucoup de gens qui malgré de très bonnes habitudes de vie, ont fini par avoir des problèmes d’arthrose. C’est normal, l’arthrose touche jusqu’à 65 % des plus de 65 ans et 80 % des personnes de 80 ans et plus. Donc, ce n’est pas parce que quelqu’un a de bonnes habitudes de vie, qu’il n’aura pas des raisons valables d’utiliser certains suppléments. Un de mes derniers textes donne plusieurs exemples : Les produits naturels : on n’a pas besoin de ça ?

De l’autre côté, il est beaucoup plus facile de s’arrêter à dire que tout est bon ou que tout est mauvais. Il s’agit d’un discours plus intéressant que d’essayer de prendre le temps d’expliquer que les produits, et les raisons de les prendre ne sont pas tous équivalents. Beaucoup de choses doivent être expliquées pour comprendre l’importance de la qualité des extraits ou encore pour déboulonner les idées préconçues.

L’évidence n’est pas évidente

Personnellement, je crois que le problème le plus important est le manque de qualité dans le domaine. La qualité variable des produits et des études fait en sorte qu’il est très difficile de comparer les résultats obtenus avec une plante en particulier. Il faut s’attarder à savoir s’il s’agit de la bonne espèce, la bonne partie de la plante, comment l’extraction a été réalisée, quels standards de composition ont été évalués (souvent il n’y en a aucun), pour quelle dose journalière, quelle population à l’étude, quelle période de temps, quels types de suivis des bénéfices santé, quelles méthodes statistiques (et j’en oublie probablement).

Il est donc relativement facile de regrouper les études sur un type d’extrait de plante et de conclure que les résultats ne vont pas tous dans la même direction et ne sont donc pas significatifs. La seule chose que cela veut dire, très honnêtement, c’est que les produits ne sont pas tous équivalents et qu’il faut bien choisir les produits et les raisons pour lesquels vous considérez les produits de santé naturels.

Il y a certains extraits, bien documentés, qui sont appuyés par plus de 10 études cliniques de qualité. D’un point de vue scientifique, il n’y a aucun doute que certains produits, comme ceux prescrits pour la vision, sont bénéfiques. Il y a donc de bonnes raisons d’utiliser les produits naturels, de bons produits et des mauvais.

 

Références :

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  • Simard, E. 2016. Vivre jeune plus longtemps. Marcel Broquet la nouvelle édition. 365 pages.
  • Simmler et al, 2018. Integrated analytical assets aid botanical authenticity and adulteration management. Fitoterapia. 2018 Sep;129:401-414.