Tiré du chapitre 2.2 du livre Vivre jeune plus longtemps (2016).

En 2000 la population mondiale de centenaires était évaluée à 180 000. Ils devraient être 3,2 millions d’ici 2050. Que font ces gens pour vivre si longtemps ? Vivent-ils en santé ou sont-ils malades plus longtemps? Est-ce grâce à l’alimentation, la génétique, l’activité physique ?

les facteurs de longévité

De plus, que dire du fait que les familles qui vivent particulièrement plus longtemps vieillissent aussi beaucoup mieux. Certains traits de personnalité de ces familles ont été identifiés comme étant caractéristiques des centenaires.

La compréhension de ces multiples facteurs nous permettra de bien établir leur importance respective.

Nos chances de vivre vieux

Certains facteurs, présentés au tableau ci-joint, viennent probablement souligner l’importance d’être actif tout au long de notre vie. Il est évident que le niveau d’activité physique d’un fermier est plus élevé que la moyenne, et que dire des parents d’une famille de plus de quatre enfants.

Il est intéressant de souligner que bien que l’espérance de vie augmente, beaucoup de famille ont maintenant des enfants à un âge plus tardif (plus de 30 ans) et cela réduirait les chances de ces enfants de vivre jusqu’à 100 ans. D’un point de vue biologique, plusieurs théories sont proposées pour expliquer ce phénomène. Il est aussi bien connu que les femmes de plus de 35 ans sont beaucoup plus à risque de grossesses difficiles et ont ainsi droit à un suivi médical plus rigoureux.

JEANNE CALMENT

Il s’agit de la personne ayant vécu le plus longtemps, dont la date de naissance peut être établie avec certitude. ElleJeanne Calment à 116 ans est née le 21 février 1875 et a vécu 122 ans et 164 jours. Bien sûr il s’agit d’une femme. Des études ont démontré que chez les supercentenaires, vivant plus de 110 ans, la proportion d’hommes est de 1 pour 9 femmes. De plus, la longévité des enfants d’une famille est toujours mieux corrélée avec l’âge au décès de la mère, plutôt que celui du père.

Bien qu’il soit clair que les descendants des centenaires ont beaucoup plus de chance de vivre 100 ans et plus, la génétique n’expliquerait que 15 à 25% des chances de longévité. Le 75 à 85% restant serait dépendant des habitudes de vie, de l’activité physique, du poids corporel, de l’alimentation, de la gestion du stress et de la santé émotionnelle en général

La génétique pour vivre plus de cent ans

Une découverte importante a permis d’identifier une mutation génétique qui augmente de dix fois l’espérance de vie des nématodes (vers microscopiques). Ainsi, certains gènes du bagage génétique peuvent avoir un impact très important sur l’espérance de vie. Cependant, chez l’humain, la régulation des voies métaboliques implique souvent un plus grand nombre de récepteur, de gènes et d’enzymes que chez les organismes plus simples comme les nématodes. On dit que les systèmes sont ‘’redondant’’. Cela permet un contrôle plus fin des processus biologiques.

Cette augmentation de complexité réduit par le fait même l’importance que pourrait avoir la modification d’un seul gène chez l’humain. Le gène modifié peut voir son effet annulé par la présence d’un récepteur différent ou d’un autre gène dont l’action est prédominante.

Tel que mentionné précédemment, on évalue que 15 à 25 % de la longévité serait expliquée par la génétique. Cela provient d’études menées sur un grand nombre de jumeaux ou jumelles identiques.

Dans le cas des centenaires, l’influence positive de la génétique serait de 33% chez une femme et de 48% chez un homme. Donc, la génétique serait responsable pour 25 à 30% de la durée de vie de la majorité de la population et de 33 à 48% pour les centenaires.

Il faut prendre ces données avec un grain de sel puisqu’il est extrêmement difficile d’évaluer l’impact des habitudes de vie avec des groupes contrôles (les témoins de comparaison). C’est difficile de trouver des gens ayant vécu de la même façon, n’ayant pas le même bagage génétique et dont on peut connaître leur espérance de vie.

La recherche des gènes de la longévité

Afin de mieux comprendre l’importance de la génétique sur la longévité humaine, un grand nombre d’études furent réalisées. La majorité de ces études ont portées sur la recherche des raisons expliquant cette longévité en lien avec l’hérédité familiale ou les habitudes de vie. Très peu de liens significatifs furent trouvé pour expliquer la longévité et certains de ces liens génétiques furent par la suite invalidé lorsque comparés avec des populations provenant d’autres pays.

Avec l’amélioration des techniques de séquençage génétique, il est maintenant possible d’étudier l’influence de certains gènes spécifiques ou même de séquencer le génome entier de certains centenaires. Récemment, deux génomes de supercentenaires (personnes ayant vécues plus de 114 ans) furent séquencés afin d’étudier la présence ou non de certains gènes.

En 2000 on évaluait qu’au États-Unis, il existait près de 33 000 centenaires, mais seulement une centaine de supercentenaires ayant plus de 110 ans.

Voici deux hypothèses simples pour expliquer la longévité des centenaires d’un point de vue génétique :

  1. l’absence d’un contenu génétique responsable des maladies (ou qui augmente le risque des maladies),
  2. la présence d’un contenu génétique qui offre une protection.

Étant donné que l’on connaît un grand nombre de gènes responsables ou impliqués dans différentes maladies, il fut relativement facile de vérifier leur présence chez les centenaires.

Étonnamment, les centenaires ne possèdent pas moins de gènes responsables ou prédisposant aux maladies. Leur grande longévité serait possible grâce à une plus forte capacité de maintenance et de réparation qui leur permettrait d’éviter ces maladies en repoussant/ralentissant le vieillissement.

FOXO3 ET L’APOE

Seulement deux variantes génétiques ont clairement démontrée une association à la longévité humaine pour différentes populations. Il s’agit du gène FOXO3 et des variantes de l’APOE (APOE2, 3 et 4). L’impact du gène FOXO3 serait en concordance avec l’observation d’une plus grande résistance des centenaires, puisque ce gène est fortement impliqué dans les processus de maintenance et de réparation.

C’est ce gène qui permet à l’hydre (petit organisme aquatique) de maintenir ces cellules souches viables éternellement et ainsi permettre sa régénération constante.

Une étude américaine portant sur la population d’origine japonaise a démontré un lien entre la taille des individus et leur longévité. Ce lien fut corrélé avec la forme bénéfique du gène FOXO3 discuté précédemment.

Pour ce qui est de l’APOE, l’implication est moins évidente. Ses variantes génétiques sont impliquées dans les maladies cardiovasculaires et les maladies dégénératives. Il est possible que son impact en santé humaine soit tellement important, que l’APOE4 (négative) pourrait réduire la longévité d’un individu qui aurait pu être centenaire. Elle est aussi associée à un risque plus élevé de maladie d’Alzheimer.

LES AUTRES GÈNES DE LONGÉVITÉ

Bien qu’il n’y ait que deux variantes génétiques très bien supportées par les études actuelles, il existe au moins 8 gènes fortement impliqués dans les études de longévité humaine : CETP, la voie métabolique de l’IGF, FOXO, ACE (relié à l’hypertension), SIRT1 (activé par le resvératrol), Klotho, hTERT et l’APOE.

Certains de ces gènes ont démontrés une forte corrélation avec la longévité des centenaires pour certaines études et aucune corrélation pour d’autres populations. Par exemple le gène de l’angiotensine (ACE) relié à l’hypertension et aux maladies cardiovasculaires, a augmenté significativement l’espérance de vie dans certaines études, sans démontrer d’impact significatif pour une population de centenaires chinois. Il est ainsi possible que certains facteurs positifs pour une population donnée ne représentent pas un avantage significatif pour une autre population.

Les recherches actuellement en cours devrait nous en apprendre davantage sur le lien entre ces gènes et la longévité humaine. Ce qui est évident actuellement, c’est que les centenaires semblent ne pas avoir moins de prédisposition aux maladies, mais une plus grande résistance.

Repousser les problèmes à demain

Une facette étonnante des centenaires est leur capacité à repousser les maladies associées au vieillissement dans la dernière période de leur vie. Une étude a évalué la proportion de la vie passée à subir les effets délétères néfastes des maladies associées au vieillissement.

Il fut démontré que pour la moyenne de la population, 17,9 % de leur vie sera affectée par des maladies du vieillissement. Pour une personne vivant par exemple 85 ans, cela veut dire qu’elle sera affectée par les maladies associées au vieillissement durant 15 ans: donc à partir de 70 ans.

De plus, les membres des familles qui vivent particulièrement longtemps sont affectés beaucoup plus tard par les maladies associées au vieillissement. Ils ont une fréquence moins grande de cancer, de maladies cardiovasculaires, de diabète, de démence sévère, d’hypertension et d’ostéoporose. Chez les membres de ces familles, les maladies associées au vieillissement apparaissent en moyenne 10 ans plus tard que ce qui est observé pour le reste de la population.

Graphique - Nombre de vie affectées par les maladies associées au vieillissement

Nous parlerons dans un prochain article de l’effet de la personnalité agréable des centenaires et de leur culture.

 

 

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