Peut-on penser autrement pour le bien de tous?

79% des Canadiens qui cherchent à être en meilleure santé ont utilisé au moins un service au niveau des approches complémentaires, parfois appelées approches alternatives, en plus ou plutôt que les soins conventionnels offerts gratuitement dans le système de santé actuel [1]. Étonnant ?

Non, inspirant !

Comme médecins, nous avons appris au cours de notre formation une quantité incommensurable d’informations relatives à la santé de l’humain et de son homéostasie. Les longues études universitaires et particulièrement l’exposition clinique à des patients nous ont appris à devenir d’excellents cliniciens. Nous sommes habilement capables de répertorier les signes cliniques et les symptômes ressentis par le patient pour ensuite élaborer un diagnostic différentiel raffiné. Une fois que le patient est mis dans la « boîte » du diagnostic, nous sommes les experts de la maîtrise du traitement de première, deuxième ou troisième ligne et de ses effets cliniques supposés. Par contre, lorsque cette approche ne fonctionne pas, que le patient est toujours en souffrance, il peut se passer 2 choses : soit on tente de changer le patient de « boîte » de diagnostic et on réessaye un autre traitement médicamenteux (en se croisant les doigts !)  ou on admet que la médecine actuelle ne peut plus rien faire pour lui (avec un peu d’empathie, on l’espère !).  Rendu à ce point, le patient peut manquer de patience, mais surtout de réponses.

Nos lignes directrices qui appuient le dépistage de nombreuses conditions en première ligne (cancer, maladie métabolique ou autre) ont été élaborées pour que l’on soit capable de prescrire un traitement pharmacologique ou chirurgical au moment du diagnostic dans le but de prévenir une complication ou un décès relié à la condition en question qui engendrerait parallèlement des coûts significatifs pour le système de santé. Cependant, aucune indication de dépistage systématique en première ligne n’existe pour orienter la prise en charge des habitudes de vie de nos patients de façon personnalisée dans le but qu’il ne développe jamais ces maladies. Tant qu’un patient n’est pas placé dans la « boîte » d’un diagnostic quelconque, il n’a pas lieu d’intervenir (voir ici, on se met un peu la tête dans le sable !). Ce n’est pas parce qu’un patient n’a aucun diagnostic qu’il est en excellente santé, bien au contraire !

Et pourtant, une puissance immense de nos interventions, en tant que médecin, serait particulièrement observée à ce moment exact, avant même que les critères de maladie ne se manifestent. On pourrait habilement réussir à améliorer des comportements ou habitudes de vie ayant le potentiel de favoriser un meilleur équilibre de la santé humaine. La prévention réelle est beaucoup plus qu’un dépistage précoce de la maladie pour l’attraper à un stade de développement peu avancé. C’est l’art d’orienter et d’influencer les habitudes de vie du patient, entre autres par la personnalisation des conseils les plus favorables pour chaque individu, mais aussi, et surtout, de réussir à mobiliser le patient pour qu’il soit à l’avant-plan dans ce processus de création de santé en y étant l’acteur principal.

Serait-il temps de se questionner sur la pertinence de nos méthodes actuelles de nos approches avec le patient à l’ère des épidémies de maladies chroniques ? La médecine conventionnelle est d’une efficacité spectaculaire dans la gestion de maladies aiguës et/ou menaçant la vie, mais nous ne pouvons pas en dire autant par rapport à notre performance sur la gestion des maladies chroniques, dont l’incidence ne cesse de s’accroître à mesure que de nouvelles thérapies sont accessibles pour les traiter (paradoxalement !). Ces maladies, toutes issues de comportements malsains au quotidien, pourraient être prévenues en majorité si on savait mieux comment accompagner de façon plus efficace, en esquivant le paternalisme médical usuel et en mobilisant le patient pour faire de sa santé le leitmotiv de ses actions. Les choix de médicaments à prescrire recommandés par les lignes directrices dans la gestion de plusieurs maladies chroniques sont maintenant plus nombreux que le nombre de minutes que nous avons à consacrer à la communication, à l’éducation, à la mobilisation du patient et sa responsabilisation en regard de sa propre santé lorsque celui-ci est dans notre bureau. Et puis après un patient, vient l’autre… puis l’autre.

Que cherche le patient à l’extérieur du cabinet du médecin ? Se pourrait-il que l’approche pharmacologique que nous valorisons tous et que nous appliquons assez facilement dans la prise en charge de nos patients ne soit pas réellement ce que le patient désire pour soutenir sa santé et ce dont il a réellement besoin ? On rétablit rarement la santé avec les médicaments, on freine simplement l’évolution d’une maladie. Tout comme l’a défini l’OMS, la santé est un état de bien-être physique, mental et social complet, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. Mais en réalité, que ferait le médecin s’il n’y avait plus de maladie chez son patient ? Sommes-nous réellement aptes, comme médecins, avec nos connaissances actuelles, à adresser et optimiser cet état de bien-être complet, même s’il y a absence de maladie ? Se pourrait-il que d’autres professionnels aient les compétences et connaissances complémentaires que les médecins n’ont pas ou peu afin de soutenir efficacement la santé en concordance avec les valeurs du patient ?

Le patient nous démontre qu’il a le désir de se sentir en meilleure santé en investissant dans les approches complémentaires. Je rêve du moment où le patient sera réellement au centre de ses soins en matière de santé et où nous serons en mesure de lui présenter toutes ses options bien-être et l’accompagnerons dans ce sens, sans jugement, dans l’ouverture et le respect de la personne qui est devant nous et en l’aidant à se réapproprier sa santé et savoir comment la maintenir. Soyons tous, professionnels de la santé et praticiens en approches complémentaires, collaborants, rigoureux et dotons-nous de structures de protection pour le public, mais sans pour autant lui enlever la possibilité d’avoir à choisir entre les médecines conventionnelles ou les approches complémentaires. La santé passe par l’écoute et le soutien pour optimiser la nutrition, le mouvement, la gestion du stress, le sommeil, la spiritualité, les relations sociales, la qualité de l’environnement, etc. Il n’est pas absolument nécessaire d’être médecin pour agir en ce sens, mais c’est définitivement dans cette direction que nous créerons plus de santé !

Dre Anne-Isabelle Dionne MD

Dre Dionne est omnipraticienne depuis 2014 et pratique aux soins intensifs de l’hôpital Honoré-Mercier de Saint-Hyacinthe ainsi que dans un GMF sur la Rive-Sud de Montréal. Elle a fondé en 2018 un centre de médecine préventive se spécialisant dans l’accompagnement des gens souffrant de problèmes de santé divers dans l’amélioration de leurs habitudes de vie au quotidien par le biais de l’alimentation, l’activité physique, la gestion du stress et du sommeil. Le Centre Axis est un OBNL qui offre une prise en charge multidisciplinaire à visée préventive à la population générale désirant améliorer leur santé, prévenir ou renverser une maladie chronique connue tout en diminuant le besoin de médication associé.

Dre Raphaëlle Leroux-Lévesque MD.

Dre Leroux-Lévesque est diplômée de la faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke en 2004. Elle a complété une formation à l’unité de médecine familiale de Moncton au Nouveau-Brunswick en plus d’une formation complémentaire en médecine d’urgence. Depuis 2007, elle pratique à l’urgence et aux soins intensifs de l’hôpital Honoré-Mercier à Saint-Hyacinthe. Son intérêt pour la santé intégrative, l’activité physique et la nutrition l’a naturellement amenée à s’impliquer auprès du Centre Axis. Récipiendaire du Prix de leadership pour étudiant en médecine de l’Université de Sherbrooke en 2004, elle souhaite utiliser cette qualité pour contribuer au développement du Centre Axis dans le CISSS Richelieu-Yamaska.

 

 

Autres co-signataires MD :

  • Dre Anne-Isabelle Dionne MD, omnipraticienne
  • Dre Raphaëlle Leroux-Lévesque MD, omnipraticienne
  • Dre Catherine Bouchard MD, omnipraticienne
  • Dre Marie-Ève Bouchard Rochette MD, omnipraticienne
  • Dre Jane Omer MD, omnipraticienne
  • Dre Sophie Stavrinidis MD, cardiologue
  • Dre Émilie Boisvert MD, omnipraticienne
  • Dre Alexandra Albert MD, rhumatologue
  • Dr Éric Sauvageau MD, omnipraticien
  • Dre Anne-Marie Bédard MD, omnipraticienne
  • Dre Anne Levesque MD, omnipraticienne
  • Dre Marion Dumais MD, omnipraticienne
  • Dre Évelyne Borduas Roy MD, omnipraticienne
  • Dre Lyne Desautels MD, omnipraticienne
  • Dre Pascale Hudon MD, omnipraticienne
  • Dr Pierre Cloutier MD, omnipraticien
  • Dr Hugo Viens MD, Chirurgien orthopédique
  • Dr Alain Bédard MD, omnipraticien
  • Dr Gaétan Brouillard MD, omnipraticien
  • Dr Bernard Bassleer MD (Belgique), Cardiologue
  • Dre Peggy Pères MD (France), omnipraticienne

 

[1] ESMAIL, NADEEM (2017), Complementary and Alternative Medicine : Use and Public Attitutes 1997, 2006, and 2016, Fraser Institute, Alberta, 79 p. (en ligne consulté le 18 septembre 2017 https:// www.fraserinstitute.org/sites/default/files/complementary-and-alternative-medicine-2017.pdf